Syntaxe de la métaphore

Après avoir évoqué d’une manière générale les définitions de la métaphore, nous nous intéresserons à l’emploi de la figure dans le cadre du discours, par l’examen de sa structure, de sa «texture grammaticale » dans la mesure où « l’effet sémantique de la métaphore est inséparable de sa réalisation syntaxique et de la valeur qu’elle confère à tel ou tel discours » 86 . En tant qu’image donc, le procédé métaphorique est considéré essentiellement comme un mode de signifier et une réalité du langage à analyser spécialement en soulignant sa dimension syntaxique. Aragon lui-même, dans son Traité de style, insiste sur l’importance de cette composante de l’image :

‘Je parlerais d’abord de la syntaxe […] J’ai imposé depuis plusieurs années à votre admiration des pages où les fautes de syntaxe ne sont pas peu nombreuses […] vous n’avez pas remarquez avec quelle impavidité blême je foule systématiquement aux pieds sur le feuillage noir de tout ce qui est sacré – la syntaxe […] je piétine la syntaxe parce qu’elle doit être piétinée87 […] Les phrases fautives ou vicieuses, les inadaptations de leurs parties entre elles, l’oubli de ce qui a été dit, le manque de prévoyance à l’égard de ce qu’on va dire, le désaccord, l’inattention à la règle, les cascades, les incorrections […] les confusions de temps, l’image qui consiste à remplacer une préposition par une conjonction sans rien changer de son régime, tous les procédés similaires […] voilà mon caractère. 88

Cet exercice consistera donc en une approche descriptive qui, par un balayage systématique du corpus, contribuera à déterminer les types ou modèles métaphoriques les plus récurrents, spécifiques au discours poétique qui les produit. En cherchant à appréhender le mode d’articulation structurelle de cette figure dans la poésie aragonienne, le lecteur est invité à déterminer ses limites, c’est à dire à indiquer son niveau de condensation ou au contraire à interroger les modalités de son expansion dans le texte où elle se déroule.

En exposant ainsi les lignes de force d’une syntaxe de la métaphore chez Aragon, nous souhaitons participer à l’élucidation d’une partie de l’expérience aragonienne en matière poétique. Tout au long de cette démarche, nous essayerons alors d’enrichir la recherche formelle par un prolongement sémantique. A ce stade, il est indispensable de signaler que notre démarche méthodologique se base essentiellement sur l’appartenance morphologique aux différentes classes grammaticales des termes constituant la métaphore, mais aussi distinguer les multiples types de cette figure. La classification des figures donc ne sera pas effectuée selon la dichotomie de métaphores in praesentia d’un côté et des métaphores in absentia de l’autre.

Notes
86.

G. DESSONS, Introduction à l'analyse du poème, Paris, Bordas 1991, p.65.

87.

L.ARAGON, Traité du style, Paris, Gallimard 1924, pp.27-28.

88.

Ibidem, p.29.