Avec les verbes doublement transitifs

Ce type de structures illustre l’importance de l’objet dans la composition de la métaphore poétique. Rarement absolus, l’action ou le procès commandent nécessairement une application sur un « objet » qui accomplit l’extension verbale et impose, en conséquence, une lecture qui prend en considération le contexte de la figure enveloppant l’axe métaphorique, dans le but de définir l’originalité ou l’étrangeté. Et c’est ce que nous essayerons de démontrer par le biais de certains exemples :

‘Il y avait des chandeliers’ ‘Qui faisaient des confidences’ ‘aux géants blonds des escaliers. ’ ‘(« Sonnette de l’entracte », Le Mouvement perpétuel, p.86)’

Dans ces vers, le procédé métaphorique se double d’une personnification, dans la mesure où le verbe «faire » est accordé à l’inanimé «chandeliers», auxquels nous avons attribué, d’une part, un objet dont la provenance possible est propre à l’humain, «les confidences », et d’autre part, un complément d’objet indirect, «géants blancs des escaliers », de même nature que le syntagme nominal sujet (non humain, inanimé). De ce fait, le poète offre une vision fantastique du théâtre, pareille à celle des rêves où tout élément peut acquérir une autre dimension, une autre existence animée qui correspond ici à l’essence théâtrale où tout est fait de représentations, et qui s’étale chez Aragon au-delà de la scène pour imprégner jusqu’au décor environnant (escalier et statues).

D’autres vers extraits du poème « Les étoiles à mille branches », construits sur le même modèle, semblent puiser leurs effets de la même source du merveilleux :

‘je ne veux rien qu’abandonner mon destin à l’eau courante des caprices. ’ ‘(Ecritures automatiques, p.151)’

Nous sommes ici face à un vœu cher au poète. Il s’agit d’une évasion vers un univers fait de désirs et de fantaisies, d’où l’emploi de la négation intensive avec l’adverbe, mais aussi de la restriction pour dire l’exclusivité du souhait. Au sujet de l’effet métaphorique, il est essentiellement véhiculé par le complément d’objet indirect, dans lequel nous avons associé deux éléments sémantiquement incompatibles, « eau » et « caprices », sauf si nous mentionnons les sèmes qui peuvent leur être communs, à savoir la fluidité, l’excessivité, la profusion et la facilité de l’action. Cette métaphore déterminative, «l’eau courante des caprices », met en lumière l’attitude du poète, exténué par les peines de la destinée humaine. Il laisse libre cours à ses multiples désirs.