Métaphore et autres figures

Dans l’étude des images d’une œuvre, il ne faut pas reconnaître uniquement les métaphores, dans la mesure où une telle restriction ne permet de discerner que, d’une manière incomplète, l’imagination créatrice de l’auteur, ainsi que le note Stephen Ullmann :

Une même analogie s’exprime très souvent, dans le même texte, tantôt par des comparaisons, tantôt par des métaphores ; une séparation systématique des deux types, que préconisent certains auteurs, fausserait dons la perspective de la recherche : elle empêcherait le critique d’entrevoir la trame générale des images et les tendances profondes qui régissent leur genèse. 121

Il est essentiel de ne pas disjoindre les figures, puisqu’elles sont des aspects différents d’un même procédé, l’image, et que la constance d’un même thème sous l’une ou l’autre forme peut être le signe d’une obsession continuelle ou d’une tendance stylistique significative. Dans cette optique, nous signalons qu’une abondance d’analogies détermine l’œuvre aragonienne, et que ses métaphores s’assemblent incontestablement à d’autres notions et à d’autres images. Elles se dévoilent simultanément, s’éclaircissant non pas les unes après les autres, mais les unes par les autres. Chaque figure participe avec celles qui la devancent et qui la suivent, et elle se fait interpréter par un jeu compliqué d’analogies et de correspondances.

Ce phénomène de chevauchement des images se répétant dans l’œuvre aragonienne constituera donc l’objet de ce chapitre consacré à l’étude des influences et des interprétations contextuelles dans le cadre métaphorique. Par conséquent, la métaphore n’est plus prise en compte comme un phénomène isolé, placé en dehors de l’énoncé textuel, mais grâce à ce rapprochement des différentes figures, ainsi que les effets stylistiques et sémantiques qui peuvent en résulter, d’autant plus que l’ensemble de ces procédés constitueront l’univers propre au poète et permettront de la sorte de rendre compte du système figuré qu’il met en place, de même que les différentes idées principales qu’il crée et développe par le biais de cet enchevêtrement du paysage figural.

Avant tout, nous rappelons que, considérée jadis, comme une sorte de comparaison implicite, la métaphore recouvre aujourd’hui l’ensemble du champ analogique et la comparaison n’est plus qu’une métaphore explicite. De ce point de vue, il y aura lieu de déterminer la position et la fonction précise de cette figure constamment associée à la métaphore, pour vérifier, par la suite, que la figure « reine » se révèlera souvent combinée ou fusionnée avec d’autres figures du discours, parmi lesquelles la périphrase, l’oxymore ou l’hyperbole. Nous allons par la suite vérifier un enchevêtrement de deux réseaux, métaphorique et rhétorique, à la fois typiquement aragonien et provenant d’une tradition figurale du XIX e siècle.

Notes
121.

S. ULLMANN, « l’image littéraire, quelques questions de méthode », in Langue et Littérature, Actes du 8 éme congrès de la fédération internationale des langues et littératures modernes 1960, Paris, Belles Lettres 1961, p.46.