Deuxième partie : Métaphore et contexte

Introduction

Selon les auteurs de Langage et Pertinence, « la thèse de la dépendance contextuelle semble non seulement constituer un argument pratique dans l’analyse de la communication, mais également un argument plus technique permettant de décrire la variation du sens » 151 . Ils confirment donc que « le contexte fonctionne comme un filtre qui sélectionne la valeur appropriée d’[une] expression » 152 . En d’autres termes, inscrire un énoncé linguistique dans un cadre contextuel déterminé permet « l’actualisation d’une valeur pragmatique particulière », et par conséquent, de dépasser « l’ambigüité et la polysémie » 153 qu’il affiche en cas de détachement de son environnement. De surcroît, l’interprétation d’une phrase ou d’une figure varie constamment, chaque fois qu’un destinataire choisit un contexte différent 154 .

Dans cette perspective, nous nous intéresserons donc à la métaphore, non en tant qu’élément autonome et détaché des racines de l’énoncé qui l’occasionne, mais comme un produit interactionnel de dissimilitudes ou de combinaisons sémantiques et rhétoriques, intégré dans un cadre contextuel, dans lequel chaque élément contribue à l’interprétation de la figure. En effet, le contexte joue un rôle considérable dans l’étude et la compréhension de la figure métaphorique, d’autant plus qu’il contribue dans la composition du sens qu’elle met en place. Il est donc indispensable de prendre en compte ce cadre, pour réaliser une analyse contextuelle de la métaphore, de même que les modes d’insertion de la figure dans le contexte et les relations qu’elle entretienne avec les autres éléments de l’énoncé poétique, où chaque mot participe dans la perception et l’assimilation de la métaphore.

Nous allons également mettre l’accent sur l’étendue de ce processus figural, suivant la théorie de J. Tamine qui souligne l’importance du paramètre « dimension » dans l’étude de la métaphore. Dans cette optique, nous examinerons aussi bien les métaphores condensées, les métaphores étendues, que la métaphore filée, dans le but de distinguer leurs fonctions et leur statut dans le texte d’Aragon, mais aussi pour dire laquelle est la plus employée. Ainsi, nous découvrirons si la poésie aragonienne surréaliste se caractérise par la concision et la ponctualité ou, au contraire par la profusion et l’abondance.

Dans le second chapitre, nous allons procéder par un élargissement du contexte, dans la mesure où nous allons observer, d’une part, le fonctionnement métaphorique par rapport à une œuvre entière, dont la dominante est chaque fois différente, et d’autre part, discerner le rôle de la figure dans la construction du texte aragonien. En effet, le recours à la notion du genre, lors d’un examen des textes, peut contribuer à percevoir la singularité et le caractère exceptionnel de ces écrits, mais aussi à modifier et réinterpréter la métaphore.

Néanmoins, compte tenu de la fusion des différents genres dans le surréalisme, nous analyserons chacune des œuvres du corpus, en dépassant l’hétérogénéité des textes, constitués de séquences très différentes, pour les subordonner à une catégorie englobante, indiquée par la désignation jakobsonienne, la « dominante », qui sera lyrique pour Feu de joie et Le Mouvement Perpétuel et narrative pour le Paysan de Paris.

Notes
151.

J. MOESCHLER, A. REBOUL, J.-M. LUSCHER, J. JAYEZ, Langage et Pertinence, Nancy, Presses Universitaires de Nancy, 1994, p.16.

152.

Ibidem., p.17.

153.

Ibidem., p.18.

154.

Ibidem., p.20.