Avant d’étudier le rôle du contexte dans la mise en valeur de la figure métaphorique, ainsi que dans la constitution de sa signification, nous expliciterons d’abord la nature de cette notion. Dans cette optique, nous nous sommes trouvée face à plusieurs définitions, dont pour l’essentiel, celles que nous mentionnerons :
Généralement, la phrase est considérée comme le contexte qui détermine le sens de ses constituants : il s’agit d’un ensemble d’éléments qui accompagnent un segment dans un énoncé, pour influencer sa réalisation sémantique.
Alors que L. Bloomfield utilise le terme « contexte » pour indiquer des phénomènes qui appartiennent à des domaines syntaxique, sémantique ou expérientiel 159 , A. Martinet le définit comme « ce qui précède ou suit » 160 une unité ou une séquence, en le situant à différents niveaux de la structure linguistique. Par conséquent, cet auteur établit un ensemble de catégories contextuelles qui peuvent être phoniques, syntaxiques, ou autre.
Par ailleurs, nous accorderons plus d’intérêt à la définition du contexte donnée par M. Mahmoudian, qui insiste sur la nature sémantique de la composante contextuelle, puisque celle-ci « est […] de nature sémantique ; c’est un sens, ou plutôt un ensemble de sens. Dire qu’un mot a du sens, c’est admettre que le sujet parlant lui en reconnaît. C’est un paradoxe de dire que le mot n’a de sens qu’en contexte, qui en définitive, n’est rien d’autre qu’une suite de mots» 161 . Cet auteur s’inscrit dans la lignée des sémanticiens admettant la portée du contexte en sémantique, parmi lesquels Ullmann qui le considère tel « un des axiomes de la sémantique et de la lexicologie moderne » 162 . De même, Greimas voit que cette entité « fonctionne comme un système de compatibilités et d’incompatibilités entre les figures sémiques qu’il accepte ou non de réunir » 163 . Toutefois, M. Mahmoudian confirme que, dans cette perspective, la conception du contexte ne semble pas être appropriée que pour les analyses sémantiques, car on étudie uniquement des énoncés simples et réduits, alors qu’en poétique, on examine toute une œuvre, et donc, on aura besoin d’une définition du contexte qui soit d’abord plus large, mais aussi « propre aux études littéraires », et ce, dans le cas où elle répond à certaines exigences que l’auteur énumère en nombre de trois :
Le contexte est constitué par toutes les occurrences où la (ou les) figure est étudiée », c’est-à-dire toutes les fois où elle apparaît dans des cadres différents qui agissent sur elle.
Il doit permettre de lever l’ambiguïté sémantique des figures étudiées, sinon il sera considéré comme non achevé », dans la mesure où dans un cadre quelconque, la figure peut demeurer énigmatique si elle est présentée isolée, et acquérir une signification différente et changeante chaque fois que nous la plaçons dans un contexte autre. Ce dernier doit être achevé et donc suffisant.
Au cas où les occurrences relevées à l’intérieur d’une même œuvre ne constitueraient pas un contexte achevé, il faut recourir à un contexte plus élargi intégrant l’œuvre dans l’ensemble plus vaste qui l’englobe jusqu’à saturation des possibilités sémantiques de la figure étudiée. 164
En outre, l’analyse d’une figure jusqu’à l’éclaircissement dépend de l’étendue du contexte, qui va, en s’élargissant, jusqu’à parvenir à valider une signification valable du processus figural. Ainsi, une conception assez étendue du contexte n’est-elle pas indispensable à l’explication du sens métaphorique.
Il est aussi à signaler que le « contexte » peut être désigné par d’autres termes, tel que le suggère ce même auteur, à savoir : « chaîne, environnement, parole, syntagmatique, discours […] » 165 .
L. BLOOMFIELD, Le Langage, Paris, Payot 1970, §24. 7, pp.416-419.
A. MARTINET, Syntaxe générale, Paris, Colin 1985, § 8.3, pp.194-195.
M. MAHMOUDIAN, Le contexte en sémantique, Paris, Peeters 1997, p.3.
S. ULLMANN, Précis de sémantique française, Suisse, A Francke S. A. Berne 1965, p.99.
GREIMAS, Sémantique structurale, Pais, PUF 1986, p20.
K. GAHA, Métaphore et métonymie dans le polygone étoilé, Publications de l’Université de Tunis 1979, p.19.
M. MAHMOUDIAN, Le contexte en sémantique, Paris, Peeters 1997, p.59.