Caractéristiques de la métaphore dans les « Ecritures automatiques » d’Aragon :

Dés Le Manifeste de 1924, Breton a associé étroitement la poésie et l’écriture automatique, quoiqu’elles constituent des pôles opposés. En outre, il a fait de l’écriture automatique, et plus généralement de l’automatisme, l’essence même du surréalisme qu’il définissait comme un « automatisme psychique pur ». Par conséquent, Automatisme et poésie découlent l’une de l’autre « et entre lesquels, pour le surréalisme, toute écriture littéraire s’inscrit et oscille » 276 .

Par ailleurs, Breton a établi la pratique automatique en tant qu’indice unique qui rend possible la distinction entre ce qui est surréaliste et ce qui ne l’est pas, puisqu’il explique que :

‘Durant des années, j’ai compté sur le débit torrentiel de l’écriture automatique pour le nettoyage définitif de l’écurie littéraire. A cet égard la volonté d’ouvrir toutes grandes les écluses restera sans nul doute l’idée génératrice du surréalisme. C’est à dire à mes yeux, partisans et adversaires de ce qu’ils montreront le souci unique de l’authenticité du produit qui nous occupe ou qu’au contraire ils souhaiteront le voir entrer en composition avec autre chose que lui-même. 277

Dans cette optique, C. Abastado déclare également que :

‘De l’écriture automatique, Breton, en 1920-1924, attend d’abord une libération du langage, la suppression de toutes les ‘’règles du goût’’, des scrupules, des ratures, des efforts, de tout ce qui est calculé, voulu : la fin d’une esthétique de l’écriture concertée. 278

Toutefois, il est nécessaire de rappeler, en premier lieu, ce qu’est l’écriture automatique : elle est à considérer, par un sujet, qui doit être dans un état de passivité ou de réceptivité, comme un moyen pour faire « noircir du papier », en excluant toute forme de contrôle sur le texte produit, de sorte que cette écriture ne soit que la retranscription la plus directe du « fonctionnement réel de la pensée » aussi profonde qu’elle soit. De ce fait, ce type particulier d’écriture se confirme à la fois comme une pratique poétique, mais encore comme une investigation intérieure. Elle est également définie, par Breton, dans ses notes du manuscrit des Champs Magnétiques, comme « un langage qui se refusât à sacrifier à aucune des possibilités conscientes de l’expression et qui se bornât à être le déroulement indifférent des images sonores trop rarement perceptibles dans les conditions actuelles de la pensée », tout en soulignant que le fonctionnement de cette écriture repose obligatoirement sur une grande rapidité de la rédaction qui permet de surpasser les censures s’exerçant sur les textes créés. De la sorte, l’automatisme dans l’écriture se présente essentiellement telle une expérience de liberté, dans le sens où celle-ci célèbre la création spontanée, suspend la conscience et la volonté d’intervenir et rejette tout jugement esthétique qu’il est possible de porter sur l’œuvre réalisée ou sur la suspension de toute forme de rationalité. Pourtant, elle ne peut être considérée tel un exercice de facilité, car elle nécessite tant de rigueur pour accéder au poétique. A cet effet, Breton se montrait extrêmement exigent et même rigoureux vis-à-vis des textes automatiques qu’on lui proposait.

Dans Traité du Style, Aragon insiste, à son tour, à dénier la gratuité ou la facilité de l’écriture automatique, car :

‘la légende [qui] règne [dit] qu’il suffit d’apprendre le truc, et qu’aussitôt s’échappent de la plume de n’importe qui comme une diarrhée inépuisable. Sous prétexte qu’il s’agit de surréalisme, le premier chien venu se croit autorisé à égaler ses petites cochonneries à la poésie véritable, ce qui est d’une commodité merveilleuse pour l’amour propre et la sottise. 279

Néanmoins, nous constatons un décalage considérable entre l’importance attribuée à la théorisation de l’écriture automatique aussi ambitieuse et complexe de la part de Breton, et la rareté marquante des œuvres qui découlent incontestablement de cette expérience.

Notes
276.

Ph. FOREST, Le mouvement surréaliste, Paris, Vuibert 1994, p.74.

277.

A. BRETON, Point du jour, Gallimard, 1970, p.171.

278.

C. ABASTADO, Introduction au Surréalisme, Paris, Bordas 1971, p.78.

279.

L. ARAGON, Traité du style, Gallimard 1983, pp.187-188.