L’écriture automatique est une réflexion sur le langage

S’il donne lieu à une rhétorique particulière ou à « un mythe rhétorique » 280 , malgré la diversité de ses formes et de ses pratiques, le surréalisme ne doit pas être considéré uniquement comme « un moment singulier de l’histoire littéraire » 281 . Il est aussi un « mouvement organisé qui a pris naissance dans une opération de grande envergure portant sur le langage » 282 , et qui a servi essentiellement à signaler « une métamorphose profonde dans les manières de dire et les représentations de la parole » 283 . L’automatisme dans l’écriture sera donc « l’élaboration d’une rhétorique autre, dont les fonctions fondamentales seraient réorganisées dans le moment de l’invention », et essentiellement dans le cadre des « collaborations » 284 , et c’est ce qui aura pour conséquence une sorte de contradiction entre la nature de l’écriture automatique en tant que « phénomène pluriel » et le « geste d’‘’invention’’, unique, lui, décisif et irréversible dans l’histoire de la parole » 285 , sur lequel elle est fondée. En effet, la plupart des critiques se sont mis d’accord sur la part inventive et créative de l’écriture automatique, d’autant plus que les surréalistes accordent plus d’importance, selon Laurent Jenny, à « la portée (considérable) du geste automatique » qu’à « l’intérêt poétique (médiocre) des textes automatiques », en ce sens qu’ils ne cherchent pas seulement, par le biais de ce geste, à mettre en place des « curiosités littéraires » 286 , mais à détourner « la pratique de la lecture » et à empêcher « toute possibilité d’évaluation esthétique », parce qu’ils ne revendiquent aucune « visée littéraire » 287 .

Pour conclure, L. Jenny affirme que l’automatisme n’a eu pour finalité qu’une modification au niveau de « la représentation que nous nous formons de la parole », permettant l’accès à un « point extrême de l’expression » qui dépasse les limites de « toute parole réelle » 288 sans pour autant y parvenir.

Notes
280.

L. JENNY, « L’automatisme comme mythe rhétorique », Une pelle au vent dans les sables du rêve, Lyon, Presses universitaires de Lyon 1992, p.27.

281.

Ibidem., p.27.

282.

A. BRETON, « Du surréalisme en ses œuvres vives », Manifestes du surréalisme, Paris, Pauvert 1962, p.311.

283.

L. JENNY, Ibidem., p.27.

284.

M. MURAT, « Jeux de l’automatisme », Une pelle au vent dans les sables du rêve, Lyon, Presses universitaires de Lyon 1992, p.11.

285.

L. JENNY, Ibidem., p.27.

286.

Ibidem., p.27

287.

Ibidem., p.28.

288.

Ibidem., p.28.