Dans sa Pragmatique des figures du discours, M. Bonhomme affirme que la «reconnaissance des figures dans le déroulement de la communication […] constitue en principe une condition préalable à leur interprétation », dans la mesure où « il n’est en effet guère possible de calculer les motivations d’un énoncé figural s’il n’a pas été identifié comme tel, quelle que soit la dénomination qu’on lui donne» 549 . En effet, après avoir identifié une figure métaphorique, le lecteur est appelé à la déchiffrer, mais pour y parvenir, il doit réfléchir sur ses « motivations essentielles », que M. Le Guern rattache, soit, à « la fonction émotive, centrée sur le destinateur », soit à « la fonction conative, qui est l’orientation vers le destinataire », dans le sens où « pour l’essentiel, la métaphore sert à exprimer une émotion ou un sentiment qu’elle cherche à faire partager » 550 . Mais, n’est-il pas possible de rétablir un lien entre la figure et l’arbitraire du signe linguistique, et saisir les motivations à l’origine des rapprochements insolites qu’elle établit entre les éléments et les idées au sein des textes surréalistes ?
Selon J. Fisette :
‘la fonction sémiotique se définit comme une relation d’interdépendance – conventionnalisée et arbitraire – entre les deux constituants du signe que sont le signifiant et le signifié, ces deux termes désignant des ‘’empreintes psychiques’’ – on dirait ici, des représentations mentales - ; l’arbitraire repose sur une discrimination nette, et une association en quelque sorte forcée ou artificielle entre les deux constituants du signe sous la gouverne d’un code. 551 ’Cet auteur associe, en effet, la métaphore aux notions d’arbitraire et de motivation, en proposant trois cas qui correspondent à différentes définitions de la figure, et suivant lesquels les rapports établis se modifient. Dans un premier temps, la métaphore « est analysée comme un trope, c’est-à-dire comme une simple substitution de termes sur un paradigme », et c’est ainsi qu’« elle repose sur le nécessaire principe de l’arbitraire du signe ». Dans un deuxième temps, « elle est analysée […] comme une inférence » entre des « signes […] linguistiques » qui « connaissent alternativement les caractères de la motivation et de l’arbitraire ». Dans un dernier temps, si la figure métaphorique est considérée comme « un détour que fait le signe en s’écartant de son chemin le plus fonctionnel », elle permet de « passer par ces lieux étranges, ces ailleurs, où règne la motivation » 552 .
M. BONHOMME, Pragmatique des figures du discours, Paris, Champion 2005, p.79.
M. LE GUERN, Sémantique de la métaphore et de la métonymie, Paris, Larousse 1973, p.76.
J. FISETTE, Pour une pragmatique de la signification, XYZ éditeur, Montréal 1996, p.203.
Ibidem., pp.204-205.