La passante

Nous mettons en perspective, par le biais de ce certaines métaphores, un autre visage de la femme dans la poésie d’Aragon, « la passante », en tant que figure déjà célébrée dans la poésie des prédécesseurs, tel que Baudelaire, aussi bien que dans celle de Breton. Nous rapportons cet exemple :

[…] une passante étrangement belle

Qui se promenait […]

Froissant un mouchoir prophétique.

(« Transfiguration de Paris », La Grande Gaîté, p.270)

Le hasard est certainement la condition primordiale pour faire naître ces êtres de l’éphémère, comme une forme de la nécessité extérieure qui se fraie un chemin dans l’inconscient humain. Rencontrée par pure coïncidence, la passante demeure inconnue, et donc mystérieuse, laissant derrière elle mille interrogations qui restent suspendues et sans réponse, tel que le justifie l’emploi de la métaphore adjectivale « un mouchoir prophétique », dans la mesure où cet accessoire féminin accentue l’énigme de son possesseur.

L’image suivante met en valeur le passage momentané et rapide de ces femmes, « voyageuses de ce train fuyard », d’autant plus que ce dernier ne peut être que celui de la vie qui défile, sans laisser à personne la possibilité de stationner pour longtemps. Dans un second temps, le poète fait de la passante une femme-fleur grâce à une métaphore in praesentia par juxtaposition, qui établit une identification parfaite entre les passantes et les « lilas factices », en ce sens qu’elles se partagent la fugacité et la disparition rapide dans le temps et dans l’espace :

[…] voyageuses de ce train fuyard […] vous lilas factices qui vous épanouissez devant moi […]. (« Le Passage de l’Opéra », Le Paysan de Paris, p.92)

Alors que la contemplation exige une fixité et une immobilité de statue, la sublimation de la passante est déclenchée grâce au mouvement, caractérisant l’apparition furtive de la jeune femme. Ce spectre d’un revenant est lié à l’irrationnel de la rencontre, à l’effet de surprise, auquel on ne peut ni résister, ni échapper.