La ville de Paris

Devenue, depuis le XIXe siècle, un mythe littéraire, Paris occupe une place de prédilection chez les surréalistes, qui la célèbrent en tant que « ville aimée comme un être ; ville excitante pour l’esprit, mère de la parole » 718 , au point qu’Aragon s’exprime avec ferveur quand il parle d’elle : «Arrachez-moi le cœur vous y verrez Paris » (En étrange pays dans mon pays lui-même). En effet, les surréalistes ont choisi cette ville pour qu’elle soit « le champ d’expérience de leurs activités, de même que de leur vie. C’est dans les rues qu’ils cherchent, en les parcourant par hasard, aventures, rencontres, trouvailles, découvertes » 719 . Par conséquent, en la redécouvrant sous un regard nouveau, ils accèdent à « la vraie vie », celle que réclamait Rimbaud, perpétuellement renouvelée et faite de révoltes, et où la quête du « sentiment du merveilleux quotidien » que célèbre Aragon prime sur tout le reste. Dans cette perspective, nous citons ces vers :

‘La Seine au soleil d’avril danse’ ‘Comme Cécile au premier bal […]’ ‘Charme sûr La ville est le val.’ ‘(« Pour demain », Feu de joie, p.34)’

Nous remarquons dans cet exemple que la ville est associée, d’une part, au « charme » qui, de plus, est « sûr », dans le but de dire essentiellement le pouvoir ensorceleur qu’elle exerce sur le promeneur. Elle l’envoûte et le séduit, vu que le célèbre fleuve traversant Paris, « la Seine », est comparé à une jeune fille tentatrice, attirant celui qui l’observe par ses mouvements de danse, comme pour faire allusion à la figure mythique de Salomé, opposée au personnage de « Cécile », aussi jeune et innocente, venant tout juste de l’enfance, suite à un « premier bal ». Par ailleurs, la « ville » est identifiée, par une métaphore avec être au « val », en ce sens que l’association des mots crée une certaine musicalité au niveau du vers (ville, val), et si le poète situe cet espace en hauteur, c’est a voulu confirmer davantage la valeur considérable, accordée à la capitale parisienne par les surréalistes.

Notes
718.

M.-C. BANCQUART, Paris des surréalistes, Paris, Seghers 1972, p.7.

719.

K. ISHIKAWA, Ibidem., p.10.