Le passage est un labyrinthe

Si le surréalisme modifie à son profit les thèmes de la mythologie classique, il a repris celui du Labyrinthe, que Gilbert Lascault a défini comme « lieu dont le centre est nulle part. Ou bien : circuit dont le centre est partout. Ou bien encore : parcours dont le centre est défini par l’exacte place où le voyageur est annihilé, dévoré […] Espace monstrueux où les formes opposées se greffent : le Minotaure en est à la fois le Seigneur et l’emblème » 737 . Ce réseau compliqué de chemins tortueux est intentionnellement choisi, dans la mesure où il repose sur une seule règle, la divergence. Néanmoins, il est valorisé parce qu’il s’inscrit dans cette exploration des mondes cachés et emblématiques comme de l’inconscient, au point que les membres du groupe accordent la forme ambiguë de ce dédale à l’espace urbain, car regroupant à son tour un ensemble de rues tortueuses et de couloirs entrelacés. Toutefois, si le passage correspond à cette configuration, il est plutôt un labyrinthe en ligne droite, étroit et équivoque, n’offrant comme possibilité d’accès ou de fuite qu’une entrée et une sortie interchangeables. Pourtant, si on s’y aventure, on risque de perdre le sens de l’orientation, pris au piège d’une infinité de visions étranges. En outre, le passage est représenté tel un labyrinthe de cristal, à la fois transparent et difficile à quitter.

A leur tour, les Buttes-Chaumont, retracent, avec leurs allées sinueuses et le mystère de leur pont à suicides, le schéma du labyrinthe, en cloîtrant l’homme dans toutes les dimensions de l’espace :

‘L’allée ! ce n’était encore qu’une voie utile, une trouée pour mon âme de sauvage, et ce serpent grandit, et relia les villes […] L’allée ! dès que j’y pénètre, j’aperçois toute sa perspective et l’issue ménagée de cette grande association d’idées plantée d’un bout à l’autre d’arbres taillés dont l’essence est choisie.’ ‘(« Le Sentiment de la Nature aux Buttes-Chaumont », Le paysan de Paris, pp.179-180)’

En traversant ce parc, les trois amis accordent plus d’intérêt à « l’allée », d’autant plus qu’elle est représentée, en premier lieu, telle « une voie utile » et aussi « une trouée », en raison de l’aspect rectiligne, commun à ces différentes formes spatiales. Toutefois, le complément d’objet, « mon âme de sauvage », introduit par la préposition « pour », indique qu’il s’agit de deux métaphores avec « être », juxtaposées et construites par restriction, et surtout, associant des éléments concrets (allée, trouée) à un autre de nature abstraite (âme). Dans cette optique, nous pouvons dire que ce chemin sert de guide pour le poète, en lui permettant d’apaiser et de dompter son « âme de sauvage », mais aussi de découvrir « cette grande association d’idées ».

Notes
737.

G. LASCAULT, « Aventures d’une horizontale », L’Art vivant, n°21, Paris, Maeght, Juin 1971, p.16.