Le passage est un palais de glaces

Le passage est aussi un palais de glaces, puisque la devanture de ses boutiques est faite de verre, et par conséquent, nous identifions leurs parois à des miroirs où se reflètent à l’infini et à la fois un spectacle intérieur et un autre extérieur. En effet, le promeneur découvre les secrets que cachent et montrent ces magasins extraordinaires, et peut également voir et se voir, en ce sens qu’il lui est possible de suivre ce qui se déroule à l’extérieur par un effet de réflexion, et en même temps, de saisir son propre reflet. Nous remarquons alors que la vitrine joue le rôle d’un appareil optique, qui, par les images qu’il offre, transforme les objets du monde réel et leur accorde une identité nouvelle qu’ils ne peuvent détenir que dans le rêve.

Le meilleur exemple pour illustrer une telle idée est l’apparition fantastique de la femme-sirène, faisant déborder l’imaginaire dans une sorte de vision onirique où transparence et liquidité fusionnent au point de métamorphoser le magasin des cannes, et par extension, tout le passage, en un aquarium sous le regard trouble du surréaliste :

‘J’oubliais donc de dire que le passage de l’Opéra est un grand cercueil de verre […]. ’ ‘(« Le Passage de l’Opéra », Le paysan de Paris, p.44)’

Par une métaphore avec « être », l’auteur établit un rapprochement étroit entre « le passage » et « un cercueil », d’abord, pour mettre en lumière l’idée d’enfermement, relié à l’un comme à l’autre. Toutefois, l’adjectif qualificatif « grand » fait basculer, aussitôt, vers une impression d’ouverture, qui va en s’accroissant jusqu’à la transparence, d’où, l’emploi du complément d’objet « de verre ».