Le passage entre pureté et sensualité

Représenté tel un milieu liquide, le passage est relié à l’image de la pureté absolue, celle de la naissance, et, en particulier, de l’enfance, que les surréalistes entendent retrouver, en parcourant ce lieu onirique, et en rattachant leur exploration de l’inconscient à celle de leurs premiers fantasmes. Cet état d’innocence est aussi exalté par une clarté déifiée, dans la mesure où la promenade à l’intérieur de cet espace peut être considérée parfois comme une procession religieuse au sein d’un édifice sacré. Néanmoins, il est possible également que cette parade soit sensuelle, parce que le passant aragonien découvre, tout au long de sa promenade, des endroits favorables aux plaisirs charnels et aux émotions voluptueuses, comme les maisons closes, dont les portes et les escaliers sont escamotés, et surtout, qui disposent de nombreuses sorties, dans le but de faciliter la fuite et préserver l’anonymat, ainsi que l’illégalité des amours passagères. Le passage est en effet consacré au commerce des charmes, tel que le confirme l’auteur en identifiant, grâce à une métaphore in praesentia, un hôtel de passe à un « laboratoire des plaisirs », vu que tout y est permis, et que ses habitués se livrent à eux-mêmes et tentent de réaliser leurs fantasmes les plus profonds, sans tabous, ni interdictions, enveloppés dans le mystère du passage. Nous citons :

‘[…] un hôtel dont les chambres n’ont d’autre air ni d’autre clarté que ceux de ce laboratoire des plaisirs, où l’hôtel puise sa raison d’être.’ ‘(« Le passage de l’Opéra », Le Paysan de Paris, p.23)’