2.2.2. Processus cognitifs de bas niveau

Le terme « bas niveau » employé n’est bien entendu pas à prendre au sens péjoratif, car les processus qui sont décrits ici sont d’une importance déterminante dans la conduite. Simplement nous les différencions des processus exécutifs de haut niveau, auxquels nous consacrerons une description plus importante puisqu’il s’agit de la problématique centrale de notre travail de thèse. Par processus de « bas niveau » nous entendons donc les processus nécessaires au traitement de l’information, tels que l’attention (et les différentes catégories qu’elle recouvre), la mémoire ou le langage.

Dans le cadre de la conduite, les aspects langagiers interviennent à un niveau secondaire de l’activité. Ils sont utiles lors de l’apprentissage théorique de la conduite (règles du code de la route), lors de la prise d’informations sur les panneaux routiers et également pour interpréter les connaissances des panneaux figuratifs. La mémoire, quant à elle, est impliquée dans l’apprentissage des règles de conduite qui doivent passer dans les connaissances générales à partir de l’apprentissage du code de la route. Elle intervient également dans la mémorisation des itinéraires, nécessaire pour l’orientation spatiale. Nous ne parlerons pas ici du concept de mémoire de travail que nous avons choisi de relier au concept de système exécutif et qui sera donc décrit plus loin.

L’attention fait, quant à elle, référence à la présence d’informations importantes, sur lesquelles il est nécessaire de se focaliser. Dans le cas de la conduite, tous les éléments présents dans l’environnement routier ne pourront pas être traités en raison de leur grand nombre, mais aussi en raison du fait qu’ils sont en perpétuel mouvement. Ils entrent donc en compétition pour être représentés en mémoire de travail . Par simplification, nous présenterons ici trois aspects classiques de l’attention : l’attention sélective, l’attention divisée et l’attention soutenue, bien que ce découpage puisse être discuté . Rogers définit l'attention sélective comme un filtrage des informations disponibles dans l'environnement dont la fonction est de nous rendre capables de sélectionner correctement, parmi toutes les informations disponibles dans l'environnement, celles que nous devons traiter en priorité pour une adaptation correcte à la situation . Ensuite, selon Näätänen , la notion d'attention divisée fait appel à notre capacité à effectuer simultanément plusieurs tâches. Ces tâches mettent souvent en évidence une limitation des capacités de traitement de notre système cognitif. Plus le conducteur est expérimenté, plus un grand nombre de tâches parallèles vont êtres automatisées, telles que l’utilisation des pédales de freins, d’accélérateur et d’embrayage, ainsi que l’utilisation des commandes (clignotant, phares…) et donc plus un conducteur est expérimenté, moins son attention divisée est sollicitée pour la tâche de conduite simple. Enfin, l'attention soutenue, également appelée vigilance, concerne l'aspect temporel de l'attention. Elle concerne notre capacité à maintenir un niveau d'activité pendant un temps prolongé . L'activité de conduite peut s'apparenter à une tâche d'attention soutenue dans laquelle le conducteur doit rester vigilant pour être capable de percevoir tout événement routier imprévu.

En résumé, cette brève présentation des processus perceptivo-cognitifs impliqués dans la tâche de conduite indique que la conduite n’est pas, comme on a pu le prétendre, une tâche banale et routinière qui s’automatise rapidement avec l’expérience de conduite. En présentant les processus perceptifs simples, comme la vision, nous avons immédiatement fait appel à des processus plus complexes de traitement et d’identification des stimuli pertinents et donc à des processus cognitifs plus complexes tels que l’attention. De même, en présentant les processus cognitifs plus complexes, nous avons rapidement fait émerger les concepts de mémoire de travail, d’inhibition, de division de l’attention. La frontière avec le système exécutif est donc très floue et nous allons à présent nous consacrer à décrire ce que l’on sait aujourd’hui, à partir de la littérature, à propos de l’implication du système exécutif et de ses composantes dans la conduite automobile.