1.1.1. Approche psychométrique du vieillissement

L’approche psychométrique est née avec Binet, qui est le premier à proposer que les aptitudes intellectuelles peuvent être mesurées indépendamment les unes des autres et qui considère l’intelligence comme une constellation de facultés mentales. A la même époque, Spearman commence l’investigation des aptitudes mentales sur un vaste échantillon de la population anglaise. Il est le premier à présenter le modèle bifactoriel de l’intelligence et avance que les facultés intellectuelles sont régies par un facteur général qui contribue à chaque tâche et un facteur spécifique propre à chaque tâche. Cette approche est abandonnée par la suite au profit de celle de Thurstone, qui pense que la performance à des tâches intellectuelles est gouvernée par un petit nombre de facteurs et non pas par des facteurs spécifiques . Cependant, le modèle bifactoriel réapparait avec les études de Cattell et Horn dans les années 50. Ces deux psychologues ont en effet développé un modèle hiérarchique et distingué deux types d’intelligence : l’intelligence fluide et l’intelligence cristallisée .

L'intelligence fluide représente la forme d'intelligence capable de résoudre les problèmes nouveaux. Elle se révèle à travers des activités de compréhension des relations entre des données nouvelles de nature spatiale ou verbale et des activités de construction d’inférences et d’implications. Les aptitudes qui y sont rattachées sont le raisonnement inductif, la flexibilité figurale, l’intégration, le raisonnement logique et le raisonnement général. Elle est sensible aux caractéristiques individuelles du sujet ainsi qu’aux effets de l’âge. Ces capacités diminuent dans le vieillissement normal. Elle dépend en effet de la capacité à s'adapter rapidement et efficacement aux situations nouvelles, elle mobilise de fortes ressources attentionnelles, elle est liée au déclin des capacités perceptives et à la baisse de la vitesse de traitement . L'intelligence cristallisée est quant à elle liée à l’accumulation d’expériences, à la profondeur du savoir et de l’expérience, au jugement, à la compréhension des relations sociales et des conventions, au savoir-faire. Elle se rattache étroitement non seulement au temps vécu, mais aussi aux expériences dont on a pu bénéficier et pour cette raison, à l’inverse de l’intelligence fluide, elle a tendance à augmenter avec l’âge et l’accumulation d’expériences .

En résumé, l’approche psychométrique distingue donc deux courants principaux, d’une part les modèles qui postulent l’existence d’un facteur général d’intelligence (Spearman) et d’autre part ceux qui ne l’admettent pas (Cattell et Horn). Des conceptions plus actuelles intègrent à la fois les modèles à un facteur général et les modèles en aptitudes primaires. C’est le cas du modèle de Carroll . Il est constitué de trois strates hiérarchiques et intègre le découpage en intelligence fluide et intelligence cristallisée de Cattell et Horn. Selon Carroll, il existerait, à un niveau supérieur, un facteur général d’intelligence puis, à une strate inférieure, l’intelligence fluide et l’intelligence cristallisée ainsi que six autres aptitudes primaires, telles que la mémoire, la vitesse de traitement ou encore la rapidité cognitive et enfin, au troisième niveau se situent des facteurs simples correspondant à des aptitudes mesurées par des tests. Cependant, l’approche psychométrique de l’intelligence a rapidement montré des limites théoriques importantes et il semblerait qu’il existe un plus grand nombre de facteurs permettant d’expliquer les capacités intellectuelles. De plus, Fontaine (1999) explique que plusieurs tests fortement saturés à l’intelligence cristallisée, comme le test des codes, sont sensibles aux effets du vieillissement.

L’approche psychométrique est en résumé une approche très globale du fonctionnement cognitif qui est largement répandue dans les études sur le fonctionnement cognitif normal, comme sur le vieillissement, mais qui possède certaines limites. En effet, en scindant les capacités cognitives en seulement quelques facteurs généraux, elle ne permet pas facilement de rendre compte de toutes les différences liées à l’âge et néglige des aspects des comportements cognitifs qui peuvent être sensibles aux évolutions de l’âge.