1.3.2. Effets sur les trois composantes exécutives

Flexibilité mentale

La flexibilité mentale, définie plus haut comme la capacité à changer de stratégie mentale lorsque celle utilisée n’est plus appropriée à la nouvelle situation, a été assez largement étudiée dans le vieillissement normal. Souvent, elle est étudiée sous une forme implicite, c'est-à-dire que le testing utilisé dans les études inclut des tests qui sont spécifiques à la flexibilité, mais la fonction étudiée n’est pas définie comme telle.

Dans la plupart des études sur le vieillissement du fonctionnement exécutif utilisant le TMT, soit comme mesure explicite de la composante de flexibilité , soit comme mesure du fonctionnement exécutif en général , les résultats indiquent que les participants âgés sont ralentis par rapport aux participants jeunes dans la partie B du test, indiquant que c’est la demande en flexibilité qui les ralentit dans ce test. Cependant, et nous le verrons dans notre étude, le TMT n’est pas une tâche de flexibilité simple et il semblerait qu’il implique d’autres fonctions cognitives et exécutives, comme l’inhibition par exemple.

Les études sur le vieillissement indiquent, pour la plupart, que la flexibilité est altérée. Par exemple, Ridderinkhof et al.ont montré à l’aide d’une variante du WCST que des participants âgés réalisaient plus d’erreurs de persévérations que des adultes jeunes, indiquant qu’ils étaient moins capables de changer de règles lorsque l’ancienne n’était plus appropriée et ce, même lorsque la consigne de changement de règle était explicite, comme l’avait également montré Nelson chez des patients avec déficits frontaux, en proposant une version modifiée du WCST, où le changement de règle était explicite. Par ailleurs, Van Gerven et al. ont montré que la composante de flexibilité n’était pas sensible au niveau d’éducation chez les âgés et qu’un niveau d’éducation élevé ne préservait pas de légers déclins de la capacité de flexibilité mentale. Pardo et al.ont réalisé une étude en imagerie (TEP) sur des participants âgés sains, incluant des mesures de fonctions cognitives dont une évaluation de la flexibilité. Les résultats indiquent que les âgés sains présentent des dysfonctionnements du système attentionnel et de la flexibilité et que ces déficits sont corrélés avec une réduction de l’activité au niveau du cortex cingulaire antérieur.

Dans une étude sur le lien entre fonctions exécutives et vitesse de traitement, Keys et White ont montré que les participants âgés présentaient des déficits significatifs à toutes les tâches exécutives proposées, dont la flexibilité mentale. Les auteurs indiquent également que, lorsque la vitesse de traitement était contrôlée, les différences entre jeunes et âgés persistaient, surtout dans la tâche de flexibilité mentale. Cependant, la tâche de flexibilité choisie étant le TMT B, il semble que cette tâche ne soit pas forcément pure et qu’elle ne mesure pas seulement la capacité de flexibilité mentale.

Kramer et al.  se sont également intéressés aux effets du vieillissement sur la flexibilité. Pour cela ils ont réalisé une expérience incluant des tâches à accomplir d’une part de manière isolée, d’autre part en alternant entre les deux tâches. Ils comparent un groupe de participants jeunes à un groupe de participants âgés. Les résultats montrent un effet significatif de l’âge et de la condition, indiquant que la flexibilité est appauvrie dans le vieillissement normal ; ils montrent également que la performance des jeunes et des âgés augmente avec l’entraînement et que lorsque les sujets répètent la même expérience un mois plus tard, les participants âgés sont capables de maintenir leurs performances à un niveau de compétence équivalent à celui des jeunes. Ce bénéfice est gardé pendant deux mois. La flexibilité est donc atteinte dans le vieillissement, mais les sujets âgés sont capables de compenser grâce à l’entraînement. Par ailleurs, lorsque des indices explicites sont donnés aux participants dans une tâche de flexibilité, la différence jeunes-âgés tend à disparaître .

Les études mesurant la flexibilité dans le vieillissement montrent donc un une augmentation des temps de réponse chez les participants âgés par rapport à ceux des jeunes. Les déficits s’expriment surtout en termes de ralentissement par rapport aux participants jeunes, mais peu en termes d’augmentation du nombre d’erreurs. De plus, dans la plupart des études présentées, la variable de vitesse de traitement n’est pas contrôlée et la majorité des tâches développées pour mesurer cette composante exécutive sont sous forte contrainte temporelle. Les difficultés des participants âgés pourraient donc s’expliquer par un ralentissement de la vitesse d’exécution. Il serait intéressant de contrôler cette variable de vitesse de traitement pour voir si les différences jeunes/âgés persistent.