1.1. Définitions, symptômes, anatomie

1.1.1. Définitions : Démence et Maladie d’Alzheimer

Le syndrome démentiel se caractérise par une altération progressive de la mémoire et de l’idéation, suffisamment marquée pour handicaper les activités quotidiennes. Le syndrome doit être apparu depuis au moins six mois et être associé à au moins un trouble des fonctions cognitives, telles que le langage, le jugement, la praxie, la gnosie ou encore la personnalité . Cette définition a été proposée par l’American Psychiatric Association (APA) pour délimiter la terminologie de ce syndrome et permettre un diagnostic fiable de la démence. Le tableau ci-dessous (Tableau 2) présente les critères détaillés nécessaires à l’établissement du diagnostic de démence. L’intérêt de cette nosographie est d’isoler le syndrome démentiel des autres troubles neurologiques pouvant intervenir avec le vieillissement.

Par ailleurs, deux types de démences peuvent être définis d’un point de vue étiologique  : les démences dégénératives et les démences non dégénératives. Les démences non dégénératives correspondent aux démences dites acquises, c'est-à-dire dont l’apparition n’est pas lente et insidieuse, mais plutôt brutale. La plus fréquente est la démence vasculaire. Il existe cependant bien d’autres types de démence non dégénératives, telles que les démences neurochirurgicales (hématome sous-dural, hydrocéphalie à pression normale) les démences toxiques (syndrome de Korsakoff) ou infectieuses (Maladie de Creuzfeld-Jakob). Les démences dégénératives sont, quant à elles, diagnostiquées après élimination de ces multiples causes de démences non dégénératives. Les démences dégénératives sont les plus fréquentes : elles représentent 60% de l’ensemble des démences et la plus fréquente est la Maladie d’Alzheimer qui représente à elle seule 75% des démences dégénératives .

Tableau 2. Critères diagnostiques de la démence d’après le DSM-IV (APA, 1994)
A. Déficits cognitifs multiples 1. Altération de la mémoire (capacité à apprendre des informations nouvelles ou à se rappeler les informations apprises antérieurement) ;
2. Perturbations cognitives suivantes :
aphasie (perturbation du langage),
apraxie (altération de la capacité à réaliser une activité motrice malgré des fonctions motrices intactes),
agnosie (impossibilité de reconnaître ou d’identifier des objets) ;
3. perturbation des fonctions exécutives
B. Déclin cognitif par rapport fonctionnement antérieur Déficits cognitifs des critères A1 et A2 à l’origine d’une altération significative du fonctionnement social et représentent un déclin significatif par rapport au niveau du fonctionnement antérieur.
C. Déclin progressif et continu  
D. Pas d’autre atteinte du système nerveux central
1. Pas d’autres affections du système nerveux central qui peuvent entraîner des déficits progressifs de la mémoire et du fonctionnement cognitif (maladie cérébro-vasculaire, maladie de Parkinson, de Huntington, hématome sous-dural, hydrocéphalie à pression normale, tumeur cérébrale) ;
2. pas d’affections générales pouvant entraîner une démence (hypothyroïdie, carence en vitamine B12 ou en folates, hypercalcémie, VIH…) ;
3. pas d’affections induites par une substance médicamenteuse.
E. Pas de confusion mentale  
F. Pas de dépression ou de psychose La perturbation n’est pas mieux expliquée par un trouble de l’Axe I (par exemple : trouble dépressif majeur, schizophrénie).

Source : D’après Sellal (2002, p.94)

Comme nous l’avons indiqué en introduction, le nom de cette maladie vient du médecin allemand Alzheimer qui a décrit pour la première fois les lésions et les symptômes caractéristiques de cette maladie il y a cent ans. Habib et Poncet (1998) rapportent la description faite par Alzheimer du comportement de sa malade et, bien qu’il n’ait pas utilisé les termes d’amnésie, d’aphasie, d’apraxie ou encore d’agnosie, caractéristiques du syndrome « alzheimerien », Alzheimer avait déjà, à cette époque, établi le tableau clinique presque complet de cette maladie.

La particularité de la maladie d’Alzheimer est que sa description ne peut pas être présentée sous la forme de critères de diagnostic établis, mais uniquement sous la forme de traits cliniques observés . En d’autres termes, le diagnostic définitif de la maladie d’Alzheimer ne peut pas être effectué du vivant du patient, mais seulement de manière post-mortem après autopsie du cerveau. On diagnostique la maladie d’Alzheimer de manière probable ou possible uniquement par description de traits cliniques. Le National Institute of Neurological and Communicative Disorders and Stroke and Alzheimer’s Disease and Related Disorders Associationdistingue trois niveaux de diagnostic de la maladie d’Alzheimer (Tableau 3). Le premier niveau est le diagnostic de maladie d'Alzheimer probable. Il inclut une démence établie par un examen clinique documenté, par exemple, par le score de MMSE ou un examen similaire et complété par une évaluation neuropsychologique, des déficits dans au moins deux domaines cognitifs, avec une altération progressive de la mémoire, sans détérioration de la conscience. Il s’agit du stade de maladie d'Alzheimer débutant. Le niveau de diagnostic de maladie d'Alzheimer possible correspond à un syndrome démentiel déjà bien établi avec une absence d’étiologie reconnue de démence non dégénérative en l’absence d’autres désordres neurologiques ou psychiatriques. Enfin, les critères de diagnostic de maladie d'Alzheimer définitif sont une maladie d'Alzheimer possible et des preuves histologiques, c'est-à-dire par observation de plaques séniles et de dégénérescence neurofibrillaire en quantité anormalement élevée dans le cerveau. Bien que ce tableau clinique ait permis une réelle amélioration du diagnostic de la maladie d'Alzheimer, Touchon et al. (1997) rappellent cependant que les critères NINCDS-ADRDA ne permettent pas un diagnostic précoce de la maladie. Il se base sur des symptômes déjà bien établis et bien visibles or on sait aujourd’hui que le diagnostic précoce de la démence est essentiel à une bonne prise en charge . Nous reviendrons sur la notion de stade précoce dans la partie consacrée aux déficits neuropsychologiques et plus particulièrement lorsque nous aborderons la notion de déficits des fonctions exécutives.

Tableau 3. Critères diagnostiques de maladie d'Alzheimer d’après le NINCDS-ADRDA.
1. Critères du diagnostic clinique de maladie d'Alzheimer probable - Démence établie à l’examen clinique (MMSE par exemple),
- Déficits dans au moins deux fonctions cognitives,
- Aggravation progressive de la mémoire et d’autres fonctions cognitives,
- pas d’altération de la conscience,
- Début entre 40 et 90 ans, le plus souvent après 65 ans,
- Absence de cause systémique ou d’autres affections cérébrales pouvant être rendues responsables des troubles.
2. Eléments en faveur du diagnostic de maladie d'Alzheimer probable - Détérioration progressive de fonctions spécifiques : aphasie, apraxie, agnosie,
- Perturbation des activités quotidiennes et du comportement,
- Antécédents familiaux,
- Normalité des examens paracliniques.
3. Autres aspects cliniques compatibles avec le diagnostic de maladie d'Alzheimer probable - Plateaux dans la progression de la maladie,
- Association de symptômes de dépression, insomnie, incontinence, hallucinations, accès d’agitation verbale ou comportementale …,
- Autres symptômes neurologiques chez certains patients : hypertonie, myotonie, troubles de la marche,
- Crises comitiales tardives.
4. Aspects rendant improbable le diagnostic de maladie d'Alzheimer - Début soudain,
- Signes neurologiques focaux : hémiplégie, déficit sensitif, altération du champ visuel,
Crises comitiales survenant très tôt dans la maladie.
5. Diagnostic clinique de maladie d'Alzheimer possible - Syndrome démentiel en l’absence d’autres troubles neurologiques, psychiatriques ou systémiques, suffisant pour causer la maladie,
- Présence d’une autre affection systémique ou neurologique suffisante pour causer la démence mais considérée comme n’étant pas la cause de la démence,
- Déficit cognitif isolé et sévère qui s’aggrave progressivement et en l’absence de toute autre cause identifiable.
6. Critères diagnostiques de maladie d'Alzheimer certaine - critères de maladie d'Alzheimer probable et
- preuve histopathologique obtenue pas biopsie ou autopsie.

Source : D’après Habib et Poncet (1998, p.545)