2. Conduire avec la Maladie d’Alzheimer

La conduite automobile, nous l’avons évoqué à plusieurs reprises, est une activité complexe, mais qui s’avère un élément social indispensable à la plupart des personnes, même vieillissantes. Dans le cas de la maladie d’Alzheimer, c’est le premier degré d’autonomie des patients et à partir du moment où le patient ne se sent plus capable de conduire c’est que la maladie est déjà à un stade relativement avancé . Dans les stades précoces, les patients ne ressentent généralement aucune difficulté à se mettre au volant, ils en éprouvent même du plaisir. Cependant, même si la conduite automobile permet de maintenir l’indépendance et l’autonomie des patients et même si elle relève principalement de la mémoire procédurale, moins atteinte dans la maladie d’Alzheimer, l’intervention de processus contrôlés de haut niveau est indispensable pour une conduite sécuritaire. Nous allons voir au cours de ce chapitre que la conduite peut devenir rapidement dangereuse chez les patients, du fait justement de cette incapacité à faire intervenir les processus de contrôle.

Une étude datant d’une dizaine d’années a considérablement marqué la communauté scientifique s’intéressant au problème de la conduite automobile dans le vieillissement normal et pathologique et a engendré par la suite de plus en plus d’études sur les capacités de conduite des patients avec pathologies neurologiques dégénératives. En effet, Johansson et al.ont recherché la présence de l’allèle 4 de l’apolipoprotéine E 4 chez des conducteurs âgés décédés dans un accident de voiture. Ils ont examiné par autopsie le cerveau de 98 conducteurs âgés de 65 ans et plus, décédés dans un accident de la circulation en Suède. Parmi ces conducteurs, les auteurs affirment que le diagnostic de maladie d'Alzheimer était possible pour 20% d’entre eux et certain pour 33%. Ils concluent que 47 à 53% des conducteurs âgés décédés dans des accidents de la circulation étaient en réalité en stade débutant de la maladie d'Alzheimer et l’ignoraient pour la plupart. Ce type de données n’est pas disponible pour la population française, mais une équipe australienne a récemment répliqué ces résultats et indique que parmi un échantillon de 55 conducteurs décédés dans un accident de la route, 52% présentaient des plaques séniles, signe d’une dégradation des capacités cognitives et d’un début de maladie d'Alzheimer.

La section présente a pour objectifs de présenter un état de l’art sur les études menées dans le but d’évaluer les effets de la maladie d'Alzheimer sur l’activité de conduite et de présenter les éventuelles lacunes de ces études dans le cadre de l’approche théorique retenue, c'est-à-dire en tenant compte de l’importance du fonctionnement exécutif pour la conduite automobile et, en particulier, de l’importance des composantes de flexibilité, de mise à jour et d’inhibition.

Notes
4.

La présence de l’allèle 4 au niveau du cerveau représente en effet un marqueur de la maladie d'Alzheimer.