Partie 2 – Données expérimentales

Introduction

Dans les développements théoriques proposés dans la partie précédente, nous avons présenté les fonctions exécutives comme un ensemble des processus variés, de haut niveau cognitif et qui opèrent dans les situations non routinières, inhabituelles, conflictuelles ou complexes . Miyake et al.en ont proposé une modélisation particulière en définissant le système exécutif comme un système qui gère entièrement le contrôle des actions, système global qui se décompose en trois processus cognitifs distincts, d’inhibition, de mise à jour des représentations mentales et de flexibilité mentale. D’autre part, la conduite automobile a été présentée comme une activité semblant a priori banale, mais qui est en fait très complexe d'un point de vue cognitif et impliquant en permanence des processus cognitifs de bas niveau, comme la vision ou l'audition, de haut niveau, comme l'attention ou la mémoire, mais aussi des processus de très haut niveau, les processus exécutifs.

Cependant, les études recensées concernant les fonctions exécutives, leur altération dans le vieillissement ou dans les pathologies neurologiques, et leur implication dans l’activité de conduite, sont souvent présentées de manière séparée. On sait que les fonctions exécutives interviennent dans la conduite automobile, on sait également qu’elles se dégradent dans la maladie d’Alzheimer, mais la recherche exposée ici présente l’intérêt de proposer un protocole expérimental où les fonctions exécutives ne sont pas seulement évaluées dans des situations classiques de laboratoire, mais aussi dans des situations écologiques de conduite simulée.

Notre travail de recherche a donc comme objectifs, d’une part d’étudier le rôle précis de ces fonctions exécutives dans l’activité de conduite, et d’autre part, d’étudier quelles sont les conséquences de leurs déficits dans un syndrome particulier, la Maladie d'Alzheimer, ceci à l’aide d’un outil particulier, le simulateur de conduite. Cet outil possède l’avantage de permettre des situations identiques à chaque passation, et qui seront reproductibles et contrôlées . De plus, plusieurs études réalisées récemment , ainsi que notre précédent protocole , ont permis de vérifier que les expériences de conduite sur simulateur étaient possibles à la fois chez les conducteurs âgés et chez les patients présentant des troubles neurologiques. Korteling et Kaptein suggèrent par ailleurs que des expériences en simulation de conduite nécessitent d’être développées en raison de la trop grande variabilité des études en situation réelle de conduite.

Afin de mettre à l’épreuve nos différentes hypothèses générales, un protocole expérimental particulier a été mis au point. D’une part, l’altération des fonctions exécutives a été évaluée à l’aide d’une batterie de tests exécutifs, certains choisis pour être particulièrement sensibles à chaque composante, d’autres étant des tests plus écologiques ou plus complexes et évaluant le système exécutif dans son ensemble. Nous avons choisi comme base d’évaluation la batterie du Groupe de Réflexion sur l’Evaluation des Fonctions Exécutives . Leurs travaux ont proposé une approche appliquée à la clinique des fonctions exécutives, une méthode d'étude et une batterie. En effet, leur étude multicentrique impliquant 23 centres et ayant actuellement inclus plus de 1200 patients, a pour objectif d’étudier l'organisation fonctionnelle des fonctions exécutives à travers l'étude des troubles engendrés par différentes pathologies cérébrales. D’autre part, notre méthodologie a consisté à mettre au point une évaluation précise de l’implication des fonctions exécutives dans l’activité de conduite. Pour ce faire, quatre protocoles expérimentaux sur simulateur de conduite ont été élaborés et testés sur nos échantillons de participants. Trois de ces protocoles avaient pour objectif d’isoler une composante exécutive particulière, le dernier était une situation globale et réaliste de conduite où l’ensemble des fonctions exécutives interviennent.

Cette étude a été soumise à l’accord préalable du Comité Consultatif des Personnes dans la Recherche Biomédicale (CCPPRB Lyon A, aujourd’hui appelé CPP Lyon Sud Est). Il a reçu un avis favorable de la Direction Générale de la Santé le 9 Août 2005 (N° d’enregistrement DGS : 2005/0330). Les expérimentations se sont déroulées du 1er Novembre 2005 au 15 Février 2007. Chaque volontaire a donc été soumis à une visite médicale préalable, a reçu un formulaire d’informations présentant les buts et le déroulement de l’étude, et a signé un formulaire de consentement libre et éclairé, validé au préalable par le CCPPRB (Annexe 1). Les participants ont également tous reçu une indemnisation qui était calculée au prorata-temporis de leur présence au laboratoire (jusqu’à 100€). Toutes les séances de conduite ont fait l’objet d’un enregistrement vidéo (son et image) et les participants ont donné leur accord pour l’exploitation des ces enregistrements à des fins scientifiques et de façon anonyme.