4.2. L’inhibition en situation de conduite

La composante d’inhibition a été évaluée grâce à une situation de conduite où la tâche du participant était de conduire sur une route nationale ponctuée de barrières de passage à niveau. Les variables retenues sont les erreurs (arrêts aux barrières ouvertes et passages aux barrières fermées), ainsi que le temps de parcours global (exprimé en minutes), la vitesse moyenne sur l’ensemble du parcours, les temps et vitesses moyennes sur chaque partie.

Le Tableau 14 est un récapitulatif des données mesurées pour la tâche d’inhibition en situation de conduite pour les deux groupes de témoins. Cette situation où il fallait conduire le plus rapidement possible et s’arrêter parfois brusquement a été la plus difficile à réaliser pour les participants, non pas en raisons des difficultés liées à la tâche mais en raison de la sensation de mal du simulateur qui pouvait être engendrée par les arrêts répétés. De ce fait, seuls 20 contrôles âgés (sur 29) et 29 contrôles jeunes (sur 30) ont terminé l’ensemble de la passation de cette tâche.

Tableau 14. Résultats à la situation d’inhibition en conduite dans le vieillissement normal.
    T-Âgés (n=20)
moyenne (écart-type)
T-Jeunes (n=29)
moyenne (écart-type)
p
  V-Inh-Glob (en km/h) 55.76 (4.11) 64.15 (5.16) < 0.001
  Tps-Inh-Glob (en min) 20.06 (1.25) 18.10 (1.28) < 0.001
  Erreurs      
  Stop-BO (max=5) 0.89 (1.08) 0.00 (0.00) < 0.001
  Go-BF (max=5) 0.89 (1.26) 1.39 (1.32) n.s.
  Stop-BF (max=20) 0.24 (0.57) 0.10 (0.40) n.s.
  Go-BO (max=20) 0.03 (0.18) 0.00 (0.00) n.s.
  INHIBITION 1 1.79 (1.80) 1.39 (1.34) n.s.

1 : INHIBITION = Stop-BO + Go-BF

Deux catégories d’erreurs ont été différenciées : les erreurs simples et les erreurs d’inhibition. Les erreurs simples consistaient à s’arrêter à une barrière ouverte signalée avec un message « Go » ou à passer à une barrière fermée signalée avec un message « Stop ». Les erreurs d’inhibition consistaient s’arrêter à une barrière ouverte signalée avec un message « Stop » ou à passer à une barrière fermée signalée avec un message « Go ». L’analyse non paramétrique des erreurs révèle que les participants âgés ont des scores qui ne diffèrent pas significativement de ceux des participants jeunes en ce qui concerne les erreurs simples (Stop-BF, U = 389.50, p > 0.05 ; Go-BO, U = 420.00, p > 0.05). En revanche, en ce qui concerne les erreurs d’inhibition, les résultats diffèrent selon le type de barrière envisagé. En effet, les participants âgés ont des performances significativement moins bonnes que les participants jeunes pour la condition Stop-BO (S-Stop-BO, U = 210.01, p < 0.001), c'est-à-dire qu’ils se sont arrêtés à une barrière ouverte significativement plus souvent que les participants jeunes. En revanche, pour la condition Go-BF, les participants jeunes et âgés ont des performances similaires (S-Go-BF, U = 369.00, p > 0.05). La variable d’inhibition retenue qui consistait à réaliser la somme des deux types d’erreurs montre que les participants âgés ont des performances similaires à celles des jeunes (Inhibition, U = 383.50, p > 0.05).

Afin d’évaluer la vitesse moyenne sur le parcours, les vitesses nulles, obtenues lorsque le véhicule était à l’arrêt, ont été exclues du calcul. Ainsi, la vitesse moyenne de parcours n’était pas nécessairement liée au temps de parcours et des participants pouvaient tout à fait conduire particulièrement vite (vitesse moyenne élevée) mais s’arrêter systématiquement à chaque barrière (temps global long). L’analyse des variables de temps et de vitesse indique que les participants âgés ont mis significativement plus de temps que les participants jeunes à parcourir les 50 barrières (Tps-Inh-Glob, t(52) = 5.15, < 0.001), qu’ils se sont donc arrêtés plus souvent et qu’ils ont également conduit moins vite que les participants jeunes (V-Inh-Glob, t(57) = 6.89, p < 0.001).

En conclusion, la situation de conduite mise au point dans le but d’évaluer l’évolution de la capacité d’inhibition contrôlée est sensible aux effets du vieillissement normal et permet de valider l’hypothèse concernant cette composante exécutive : les conducteurs âgés présentent de légers troubles de l’inhibition, ils font plus erreurs de jugement au moment de la prise de décision, et ceci entraine chez eux un phénomène de compensation par un ralentissement de leur vitesse de conduite.

Les deux évaluations de la composante d’inhibition indiquent donc des résultats différents entre la situation de laboratoire (Stroop) et la situation de conduite. Les participants âgés présentent des troubles d’inhibition lorsqu’elle est évaluée par le test de Stroop, mais pas lorsqu’elle est évaluée avec notre situation de conduite. De plus, la performance évaluée en situation de laboratoire (test de Stroop) et la situation de conduite ne sont pas significativement corrélées, que ce soit avec les temps de réponse au Stroop (r = 0.170, p > 0.05) ou avec les erreurs non corrigées (r = 0.092, p > 0.05).