1. Fonctionnement cognitif global

Cette section présente les résultats obtenus par les patients et les témoins âgés aux tests cognitifs globaux ainsi qu’aux tests de la batterie du Grefex. Le tableau suivant (Tableau 23) présente l’ensemble des résultats.

Tableau 23. Résultats aux tests neuropsychologiques complexes dans la maladie d’Alzheimer.
    Patients (n=10)
moyenne (écart-type)
T-Âgés (n=29)
moyenne (écart-type)
p
Test des Six Eléments      
  Six_El_Rang (max=6) 2.33 (1.87) 5.79 (0.49) < 0.001
TMT      
  TR-A 51.80 (17.58) 37.28 (11.44) < 0.01
  ENC-A 0.10 (0.31) 0.03 (0.19) n.s.
  TR-B 151.50 (51.31) 74.62 (23.90) < 0.001
  ENC-B 0.60 (0.84) 0.21 (0.56) n.s.
  EP-B 0.40 (0.84) 0.03 (0.19) n.s.
  TR-BminA 99.70 37.34 (20.24) < 0.001
Test de Brixton      
  Brix_ENC 15.67 (4.80) 7 (2.98) x
  Brix_AC 1.83 (1.47) 0.37 (0.90) x
Double tâche de Baddeley      
  Em_Num 4.7 (0.82) 6.27 (0.92)
  Em_Sim 8.4 (2.54) 10.76 (2.61)
  M_Sim 119.1 (39.05) 159.14 (24.70)
  Em_Dou 5.7 (2.21) 9.14 (2.38)
  M_Dou 80.1 (28.39) 143.34 (23.91)
cf. Anova
Test des Fluences verbales      
  F_Form 16.2 (2.82) 24.65 (7.03) < 0.001
  E_Form 2 (2) 0.75 (1.18) x
  F_Sém 21.6 (4.27) 35.37 (8.25) < 0.001
  E_Sém 2.3 (2.62) 0.41 (0.73) x
  E_Sfor 0.1 (0.31) 0 (0) x
WCST      
  WCST_Cat (max=6) 5 (0.94) 5.96 (0.18) < 0.001
  WCST_EP 2.8 (1.68) 0.24 (0.51) < 0.001
  WCST_AC 1.7 (1.16) 0.55 (0.57) n.s.
Test des 5 Mots      
  RI_SL (max=5) 2.9 (0.99) 4.75 (0.63) < 0.01
  RI_SI (max=5) 4.1 (1.10) 5 (0) < 0.01
  RD_SL (max=5) 2.2 (1.40) 4.55 (0.63) < 0.01
  RD_SI (max=5) 3.4 (1.58) 4.93 (0.25) < 0.01
MMSE      
  Score (max=30) 24.8 (1.48) 29.65 (0.72) < 0.001
         

Les patients Alzheimer ont été sélectionnés pour participer à cette étude sur la base notamment d’un critère de score minimal au MMSE (≥24). Cependant le score moyen de MMSE obtenus par les 10 patients est significativement plus faible que celui des participants âgés (MMSE, U = 1.01, < 0.001). Ces résultats confirment également que nos critères d’inclusions ont bien été strictement respectés et que les patients sélectionnés sont effectivement tous en stade précoce de maladie d’Alzheimer. Le Test des 5 mots a également été utilisé afin de vérifier que les patients étaient capables de retenir les consignes. Leurs performances sont significativement plus faibles que celles des âgés pour les quatre scores (< 0.01), et ces scores sont nettement différents de ceux présentés par les normes de Croisile et al. , pour un âge et un niveau d’étude équivalent.

La comparaison des performances entre patients et participants âgés a porté sur neuf patients seulement car un patient n’a pas réussi à comprendre les consignes et à les reproduire. Les 29 participants âgés ont terminé le test. Le test non paramétrique de Mann-Whitney montre que les performances des patients sont significativement altérées par rapport à celles des participants âgés (Rang, U = 4.0, < 0.001). Aucun patient n’a obtenu le score de rang maximal de 6, c'est-à-dire qu’ils ont tous effectué au moins une erreur d’exécution, alors que seulement cinq participants âgés sur 29 n’ont pas obtenu le score maximal.

Les patients sont significativement ralentis par rapport aux témoins âgés, que ce soit dans la partie A du TMT (TR-A : t(37) = 3.01, p < 0.01) et dans la partie B (TR-B : t(37) = 4.57, p < 0.001). L’analyse de comparaison de moyennes sur TR-BminA indique que les performances des patients sont également significativement dégradées par rapport à celles des participants âgés lorsque la composante de vitesse de réalisation est contrôlée (TR-BminA : t(37) = 6.461, p < 0.001). En revanche, l’analyse non paramétrique des erreurs ne révèle pas de différence significative du nombre d’erreurs entre patients et contrôles âgés dans la partie A (ENC-A, U = 135.1, p > 0.05), dans la partie B (ENC-B, = 107.0, p > 0.05), ainsi que pour les erreurs persévératives de la partie B (EP-B, U = 120.0, p > 0.05).

Bien que l'analyse des erreurs ne révèle pas de différences de performances entre âgés contrôles et patients, l’écart de performances entre les âgés et les patients est, en termes de temps de réponse, en moyenne de 14.5 s dans la partie A et de 76.9 s dans la partie B, alors qu’il est respectivement de 12.7 s et 22.3 s entre les participants jeunes et les âgés. La pathologie accentue donc l’effet observé dans les résultats pour le vieillissement normal.

Comme le Test des six éléments, le test de Brixton a posé des difficultés importantes aux patients : quatre d’entre eux ont échoué à la compréhension de la consigne et le test a été arrêté après cinq erreurs consécutives. Les résultats présentés ne concernent donc que cinq patients et les 29 participants âgés. Il ne nous a donc pas semblé pertinent de faire une analyse statistique sur ces performances, mais simplement de préciser que ce test est apparu comme très difficile à réaliser pour les patients qui ont réalisé un plus grand nombre d’erreurs (M = 15.7, SD = 4.8) que les âgés (M = 7.0, SD = 2.98).

Des ANOVA à mesures répétées ont été réalisées afin d’analyser l’évolution des performances à la double tâche dans la maladie d’Alzheimer. Ces analyses sont composées d’un facteur inter-sujet : statut du participant (patient / âgé) et d’un facteur intra-sujet : la condition de réalisation (simple / double). Une analyse sur l’empan et une analyse sur la tâche motrice ont été réalisées. L’analyse sur l’empan numérique indique un effet simple de la condition [F (1, 37) = 34.49, p < 0.001] et un effet simple du statut [F (1, 37) = 12.2, p < 0.001], ce qui signifie que globalement, les participants ont significativement moins bien réussi la tâche en condition double et que les patients ont été moins performants que les participants âgés sains. En revanche, il n’y a pas d’effet d’interaction entre le statut et la condition [F (1, 37) = 2.15, p > 0.1], les patients n’ont pas été particulièrement moins performants que les âgés lorsque la tâche était plus complexe. L’analyse de la tâche motrice indique un effet simple de la condition [F (1, 37) = 47.95, p <0.001] ainsi qu’un effet simple du statut [F (1, 37) = 32.27, p < 0.01]. Par ailleurs, il existe également un effet d’interaction significatif entre la condition et le statut du participant [F (1, 37) = 8.6, p < 0.01] qui indique que les patients ont été plus gênés dans la tâche motrice que les âgés et ce plus particulièrement lorsqu’elle devait être réalisée en condition double. Devant la difficulté de cette tâche, les patients ont donc privilégié la tâche d’empan au détriment de la tâche motrice lorsque ces deux tâches étaient concurrentes, ce que n’ont pas fait les participants âgés.

Les patients obtiennent un score de fluence verbale formelle inférieur à celui des participants âgés contrôles (respectivement, M = 16.20 et M = 24.65). Une analyse non paramétrique de comparaison de ces scores indique que cet effet est statistiquement significatif (F-For, U = 43.0, p < 0.001). Il en est de même pour la fluence verbale sémantique, où le nombre de mots donnés est statistiquement plus faible chez les patients par rapport aux témoins (F-Sém, U = 17.5, < 0.001). Par ailleurs, les patients font globalement plus d’erreurs que les âgés, en fluence formelle et en fluence sémantique. Au vu du petit nombre d’erreurs enregistrées chez les participants âgés, nous n’avons pas validé statistiquement ce résultat.

Pour ce dernier test d’évaluation des fonctions exécutives, les patients se sont montrés moins performants que les participants âgés. En effet, ils réalisent en moyenne 5.0 catégories (SD = 0.94) alors que les âgés en réalisent en moyenne 5.94 (SD = 0.18). Cette différence dans le nombre de catégories réalisées est statistiquement significatif (WCST-Cat, U = 61, p < 0.001). Les patients ont également effectué significativement plus d’erreurs et, en particulier, plus d’erreurs persévératives que les témoins âgés (WCST-EP, U = 9.0, < 0.001). En effet les patients réalisent en moyenne 2.8 (SD = 1.68) erreurs persévératives alors que les témoins en réalisent en moyenne 0.24 (SD  = 0.51). En fait, tous les patients ont fait au moins une erreur persévérative (min = 1, max = 6), alors que parmi les témoins âgés, seuls 6 participants ont réalisé une ou deux erreurs persévératives (min = 0, max = 2). Les patients avec démence de type Alzheimer présentent donc des difficultés à réaliser cette tâche complexe de déduction de règles, et effectuent des erreurs montrant des difficultés dans la capacité à changer de sets mentaux.