1.1. Flexibilité mentale

Les âgés ont obtenu des performances similaires à celles des jeunes dans l’épreuve du PMT, ce qui tend à infirmer notre hypothèse et montre que la flexibilité mentale est une composante exécutive préservée dans le vieillissement normal. Nos résultats concernant la flexibilité ne sont donc pas tout à fait en accord avec ceux de la littérature. En effet, les études qui se sont intéressées au effets du vieillissement sur la flexibilité indiquent en général un ralentissement des temps de réponse chez les participants âgés . Cependant, dans ces études, la vitesse de traitement n’est pas contrôlée et la plupart des tests de mesure de la flexibilité mentale sont des épreuves réalisées sous une pression temporelle forte. Notre mesure de la flexibilité ayant été évaluée par le coût du shift, qui tient compte des temps de réponse des participants dans la condition où il n’y a pas de demande d’alternance entre les deux tâches, la vitesse d’exécution est donc contrôlée et dans ce cas les performances sont similaires.

Cependant, il est important de préciser deux points en ce qui concerne cette mesure de la flexibilité. D’une part, si les résultats obtenus par les participants jeunes et les participants âgés au PMT, dans la variable « coût du shift » n’apparaissent pas significativement différents, en revanche les performances des participants âgés présentent une variabilité relativement importante (SD = 12.38), et par ailleurs, la valeur p associée à la statistique du test de Student est de 0.059, ceci indiquant une tendance en faveur d’une différence significative jeunes – âgés. Il est donc possible que la variabilité importante des performances des participants âgés puisse masquer les différences entre jeunes et âgés. Nous avons donc cherché si des participants présentaient des performances éloignées de celles du reste de l’échantillon, que ce soit des performances nettement meilleures ou des performances moins bonnes, et il s’avère qu’aucun participant ne présentait de performance éloignée de plus de 1.5 écart-type de la moyenne du groupe. Il semble donc que les résultats puissent être considérés comme homogènes.

D’autre part, nous avons choisi cette épreuve du PMT car il s’agissait d’un test simple qui pouvait être compris par tous les participants jeunes, âgés et patients. Cependant, le PMT fait appel à des capacités de calcul mental simple, activité assez bien automatisée chez les adultes âgés, et donc faisant peut-être moins appel au fonctionnement exécutif. Il est donc possible que dans le souci de proposer une tâche pure et suffisamment compréhensible en particulier pour les patients, nous ayons proposé une tâche un peu ‘trop simple’ aux participants et donc non sensible aux effets du vieillissement. Plusieurs auteurs utilisent comme mesure de la flexibilité les temps de réponse à la partie B du TMT, ou le nombre d’erreurs persévératives au WCST, qui sont des tests plus complexes et faisant intervenir d’autres paramètres cognitifs. Dans notre étude, le TMT a montré des différences significatives entre participants jeunes et participants âgés dans la partie B. Il est donc possible que lorsque la tâche à réaliser est plus complexe, la demande en flexibilité mentale soit plus importante et que les différences entre jeunes et âgés puissent alors apparaître significatives. Afin de vérifier si le TMT pouvait être considéré comme une meilleure mesure de la flexibilité mentale, nous avons réalisé une analyse de régression avec comme variables explicatives, le groupe d’âge, ainsi que nos trois composantes exécutives et la variable de vitesse de traitement. Le meilleur modèle explicatif du TMT est celui qui prend en compte uniquement la variable d’inhibition mesurée par le test de Stroop (19.4 % de variance expliquée, p < 0.05). Il semble donc que le TMT inclut une part importante d’inhibition, ce qui n’est pas le cas du PMT. C’est sans doute ce qui explique que ce test soit plus sensible aux effets de l’âge que le PMT. Nous pouvons donc considérer que notre choix méthodologique concernant le PMT était justifié dans le cas d’une mesure de la flexibilité et que cette composante est préservée dans le vieillissement normal. En outre, une étude publiée récemment a montré, avec le même paradigme expérimental, que les performances d’un groupe de participants âgés de 68 ans en moyenne n’étaient pas significativement différentes de celles d’un groupe de jeunes (moyenne d’âge : 22 ans). Les auteurs ont en revanche montré que la capacité de flexibilité était dégradée dans un groupe de participants plus âgés (78 ans en moyenne). Il semble donc que la composante de flexibilité soit préservée pendant un certain temps, puis qu’elle se dégrade progressivement au cours du vieillissement cognitif normal.