Introduction

La plus grande révolution dans le monde de la télédiffusion est sans nul doute l’utilisation des satellites qui a permis une meilleure diffusion du son et de l’image à travers le monde entier. À l’ère de la mondialisation, cette révolution a réduit notre planète à un simple « petit village » où les distances géographiques sont quasi nulles, tant les informations y circulent rapidement et simultanément grâce au direct et à l’Internet, le summum du développement actuel.

Le monde arabe est très loin de ce progrès technologique dont il tente de profiter mais sous lequel il n’est encore qu’admiratif, sans pouvoir complètement en être l’auteur, malgré certains efforts consentis ça et là. D’autant plus qu’au départ, il n’était pas question que de tels moyens de communications soient utilisés dans de nombreux pays arabes où les gouvernements dans le souci de garder le monopole de l’information, et par peur des réactions que pourraient avoir leurs peuples, une fois avertis, refusaient tout accès à ce genre de libertés.

Géographiquement, le monde arabe occupe une zone très stratégique du globe terrestre. Il s’étend de l’océan atlantique à l’ouest vers le Golf à l’est et de la mer d’Arabie au sud vers la mer méditerranéenne au nord. Sa superficie est de 13.484.814 km², dont 78% en Afrique et 22% en Asie. Ses régions côtières s’étendent sur 22.828 km1.

Pour revenir à notre sujet, il est à souligner que beaucoup de pays arabes, entre autres le Maroc2, se sont vus d’abord interdire l’accès des paraboles et satellites sous prétexte de vouloir protéger les principes religieux, les bonnes mœurs et la bonne éducation. En ce sens qu’une telle « liberté » serait la cause de quelques égarements ou dérapages sociaux. Et ce n’est qu’après maintes revendications, parfois violentes, que l’interdiction a été levée. Cette situation était d’autant plus contradictoire et parfois même frôlait le ridicule puisqu’il s’est avéré, selon Samir Amine3, que les films pornographiques étaient diffusés le plus dans les pays arabes. Qu’en est-il donc des bonnes mœurs ici ?

Les pays arabes ont pu alors, non seulement accéder aux chaînes étrangères, mais aussi avoir eux-mêmes leur propre réseau satellitaire local, si bien qu’il n’est pas toujours utilisé à bon escient. Étant donné que le gain facile prime sur la qualité du produit diffusé.

Face à cet énorme élan de la technologie, désormais, qui fait partie aussi de la liberté individuelle que de celle de la communication, le monde arabe se trouve confus : par où commence le choix des nouvelles méthodes, de l’outre de l’apprentissage des techniques, de l’expérience, des recherches, et de tous ces moyens qui sont à sa disposition. Saura t-il suivre un modèle qui n’a pas forcément les mêmes principes, la même vision du monde, ni les mêmes libertés tant dans les us que dans les modes de vie : (la nourriture, l’habillement, et les rapports entre individus dans la communauté).

Grâce aux différents satellites, il est devenu possible, à l’ère de la mondialisation, de tout voir, de tout jauger, de tout apprécier ou déprécier directement et partout.

Des États-Unis à l’Irak, de la fusée, à l’avion en passant par les prisons, le téléspectateur peut maintenant regarder un immeuble s’écrouler sous l’effet d’une collision, un détenu se faire violenter dans une prison, un enfant se faire massacrer dans une guerre, un chef cuisinier préparer son plat à l’attention de la ménagère, le couturier exposer ses modèles, le coiffeur présenter les nouvelles tendances de coupe, et tant d’autres événements.

Les religions ont, elles aussi, leurs propres chaînes de télévision (Iqraa,)4 et ainsi chacun, selon sa tendance religieuse suit la chaîne qui lui est destinée.  Les différentes mouvances politiques ont elles aussi leurs propres chaînes, et font leur propagande à travers elles afin d’endoctriner leur population. Le domaine de la culture et de l’art est lui aussi concerné puisqu’il existe de multiples chaînes qui y consacrent ses programmes.

Cependant, de nombreuses chaînes arabes ont voulu se spécialiser dans un domaine ou dans un autre ; il existe des chaînes d’informations : spécial news (Al Jazzera5, El Arabia6, al hurra7), des chaînes de musique (ART Musique, Rotana Musique8, Rotana Tarab9) de documentaires (Al Jazzera Documentaire10), de sport (El Jazzera Sport11), de jeux et de distraction (Space Toon12), de tourisme, ou d’écologie. Quel qu’en soient les manques, on leur reconnaît le fait d’exister, de vouloir être « à la page », mais aussi et surtout, le fait de vouloir accéder à la liberté d’expression, la libre circulation de l’information et la diversité d’opinions qui donne lieu à une certaine démocratie, jusque là confisquée.

Il y a certes des risques à encourir, beaucoup reste à faire, de nombreux efforts sont à consentir de part et d’autre, mais il faut reconnaître que c’est quand même un énorme pas en avant et une victoire de plus pour la technologie arabe dans ce domaine.

Le but recherché n’est certes pas encore atteint, les populations sont encore sous le choc de cette technologie qui leur est parvenue subitement et d’un seul coup sans y être préparés suffisamment. Ils en deviennent dépendants et ne peuvent plus s’en passer.

La vue des antennes paraboliques sur les toits des maisons syriennes, comme sur les toits de nombreuses maisons, dans d’autres pays arabes, est un paysage tout récent que les générations passées n’ont jamais connu.

Ce nouveau paysage confirme la multitude des chaînes présentes dans les foyers arabes. Les informations y circulent, les dialogues s’établissent, la communication et les échanges se font et ainsi, chaque membre de la famille, de la communauté et du pays, est au courant et peut donner son avis sur telle ou telle question d’actualité.

Grâce à une simple manette (télécommande), il choisit la chaîne, la langue et le pays diffuseur de son choix. La langue arabe a été elle-même quelque peu standardisée, de façon à être comprise par un plus grand nombre d’arabophones, comme le souligne Mohamed Djâbir el Ansari 13, par l’utilisation de différents dialectes afin de rapprocher les cultures et surtout de se faire comprendre aussi bien au Maghreb qu’au Machreq (orient arabe)

Il ne faudrait pas ignorer le rôle joué par les satellites et l’Internet dans ce qu’on appelle aujourd’hui la « société inter-active » dont parle Anthony GUIDENS 14  ou Ali HARB 15.

Dans cette société inter-active, les avis divergent mais y sont exposés librement, sans tabous ni préjugés et en toute liberté. L’objectif étant de regrouper le plus grand nombre possible de personnes autour d’une question, d’un problème ou d’un fléau et tenter de les résoudre en toute démocratie.

La société syrienne a été l’une des premières sociétés arabes à s’ouvrir sur l’Occident et à vouloir, sans faux préjugés ni tabous, suivre le progrès et aller au devant des choses en acceptant la diversité. Sa maturité a beaucoup aidé pour la liberté des croyances et la cohabitation des différentes religions.

Compte tenu de l’ouverture d’esprit et de la volonté de multiplier leurs connaissances, les syriens ne pouvaient se contenter de l’unique chaîne proposée chez eux, et grâce à la parabole, chacun pouvait retrouver dans les autres chaînes arabes ou étrangères, ses pôles d’intérêt, aussi bien en sport, et politique, qu’en religion et divertissement. Faute de pouvoir se permettre des vacances hors frontières ou des loisirs couteux…

Notes
1.

http://www.arableagueonline.org

2.

Voir Zélia Leal-Adghirni, « Les antennes diaboliques au Maroc », Revue Tiers Monde, t XXXVII, n°146, avril-juin 1996, p 331-338

3.

AMINE, Samir, critique d’esprit de l’époque (arabe ), Dar El Fârâbî Beyrouth, 1ère édition 1998, page 127. (À noter que cet auteur ne cesse jamais d’y insister).

4.

http://www.iqraa-tv.net

5.

http://www.aljazeera.net

6.

http://www.alarabiya.net

7.

http://www.alhurra.com

8.

http://www.rotana.net

9.

http://www.rotana.net

10.

http://www.aljazeeratalk.net

11.

http://www.aljazeera.net

12.

http://spacetoon.tv

13.

AL ANSSARI Mohamed Djâbir, article paru dans le quotidien londonien, Al Hayat, 11/03/2003.

14.

GUIDENS, Anthony, loin de la gauche et de la droite, traduction, CHAWKI Djalal, série du monde de la connaissance n°286/Assemblée nationale de la culture, des arts et de la littérature, le Koweït, octobre 2002, p 148-149.

15.

HARB Ali, Le monde et son problème, logique de l’affrontement et langue de l’alternance, Centre culturel arabe, 1ère édition, 2002, p 144.