6.2.2 Position de rejet

Les mesures de restriction prises par quelques gouvernements arabes concernant la réception de chaînes étrangères satellitaires, n’étaient pas, en réalité, une politique officielle sérieuse dans aucun des pays arabes. Malgré les modalités entreprises pour appliquer ces mesures, elles ont conduit à un échec : «Les premières mesures restrictives de certains États pour limiter l'usage des antennes paraboliques afin de contrôler les flux d'information ont été levées les unes après les autres ou se sont montrées peu efficaces voire inapplicables pour empêcher la propagation de ce que certains censeurs ont appelé : les antennes « diaboliques» 120 .

Le rejet de ces chaînes n’était propre, non seulement aux seuls gouvernements officiels, mais aussi à certaines catégories sociales qui voyaient en ces programmes, un danger menaçant la sûreté culturelle, les mœurs et les coutumes caractérisant le monde arabe et le différenciant des autres sociétés. Il était estimé que l’ensemble de ces programmes était nuisible et le fait de les accepter signifiait la soumission à la culture occidentale avec tout ce qui la caractérisait en termes d’individualités, et en particulier sur le fait que c’est une culture dissolvant et tuant toutes les autres121.

Certains penseurs et chercheurs arabes voient dans la dépendance vis-à-vis de l’ouest davantage de danger que ce qu’en pensent toutes les autres catégories sociales : selon eux, la dépendance des communications et de la technique conduit à une dépendance totale dans tous les domaines de la vie, ce qui peut conduire à la destruction des structures internes des sociétés arabes122.

La technologie en général et celle de l’information en particulier, ne jouent pas uniquement un rôle vital dans la domination culturelle, mais elles font aussi partie de cette domination123.

Par ailleurs, il existe aussi d’autres chercheurs arabes qui considèrent les médias occidentaux comme étant méprisants et remplis de haine envers les arabes , fermant les yeux sur tout le positif et en quête de tout ce qui est négatif, n’employant jamais la neutralité ou l’objectivité qui sont sensés être la base de la déontologie de la communication. Ils les accusent d’être dépourvus d’analyse, se contentant de l’apparence des choses surtout dans ce qui touche leur vie sociale et donnant aux lecteurs, auditeurs ou téléspectateurs un avis partiel, pouvant causer intentionnellement ou non du tort aux citoyens arabes.

Ils estiment alors que les médias occidentaux, dans leurs positions politiques, ne sont que l’écho des ennemis de l’Islam et des adversaires de la cause arabe. Ils vont encore plus loin dans leur guerre contre l’information venue d’ailleurs, lorsqu’ils demandent à la société de s’enfermer totalement et d’isoler les médias étrangers, considérant qu’affirmer l’identité arabe et la préserver ne se ferait que par l’exclusion de l’autre et que cette contradiction entre l’orient et l’occident est caractérisée par une lutte existentielle qui stipule que l’existence de l’un implique l’absence de l’autre.

Sans aucun doute, les partisans de ce courant reflètent leur extrémisme culturel et leur individualisme qui les éloigne de la réalité vécue et les pousse à construire leur propre monde sans essayer de dialoguer avec l’autre ni de découvrir leur position.

En réalité, ils expriment une position de fuite, incapable de comprendre et de s’adapter aux changements de la vie ni à la nécessité de traiter avec le monde malgré sa diversité. Cela constitue le résultat de leur impuissance à résoudre les problèmes qui existent au sein de leur société.

De plus, ils sont incapables de faire la distinction entre la nécessité d’acquérir un savoir et une connaissance en s’ouvrant au monde occidental et la volonté de ce dernier de dominer au point de paralyser le travail intellectuel et l’évolution naturelle de la société. En outre, ils expriment ainsi leur volonté de ne changer sous aucun prétexte, les valeurs et les idéaux de la société arabe.

Notes
120.

Recherche collective sous la direction de Frank Mayer:, L’espace arabe  : satellites , internet , information et édition, Frédéric Matouk, Kadmos, éditions et distribution, Damas, Syrie, 2003, p 11.

121.

KHADOUR Adib, le regard de la diffusion satellitaire en directe dans le monde arabe  : les téléspectateurs de la ville de Damas - Syrie 1997 , Revue des affaires arabes, N° 93, Syrie, mars 1998, p 36.

122.

ALDJAMAL Racim Mohamed,  Communication et média dans le monde arabe , Centre des Études de l’Union Arabe, Liban, Beyrouth, 2ème édition, 2001.

123.

ABDERRAHMANE Awatef,  Problèmes de dépendance de l’information et de la culture dans le Tiers-Monde, série ‘’le monde du savoir’’, Koweït, Assemblée nationale pour la culture, les arts et la littérature, 1984, n°87 p 52.