Chapitre 1 : L’autisme

1.1. Introduction

L’autisme est aujourd’hui la catégorie la plus générale des troubles envahissants du développement (TED). Les troubles envahissants du développement sont des troubles neuro-développementaux caractérisés par une atteinte qualitative simultanée et précoce du développement de l’interaction sociale et de la communication, et par la présence de comportements répétitifs et d’intérêts restreints (Mottron, 2004). Ils sont dit envahissants parce qu’ils touchent plusieurs aires du comportement. Les personnes ayant pour diagnostic un TED doivent manifester des atteintes avant l’âge de trois ans. Alors qu’en 1980, l’autisme était la seule entité représentant les troubles envahissants du développement, aujourd’hui on distingue plusieurs sous-types de TED et cinq sous-types sont individualisés: autisme, syndrome d’Asperger, syndrome de Rett, trouble désintégratif de l’enfance et trouble envahissant du développement non-spécifié (DSM-IV, 1994). Chacun de ces sous-types est associé à des particularités du développement cérébral, le plus souvent d’origine génétique, transmises ou liées à des mutations. Les relations cliniques et étiologiques entre ces sous-types ne sont pas encore suffisemment établies scientifiquement et sont donc généralement mal comprises. C’est pour cette raison, que nous allons les expliciter rapidement.

L’autisme et le syndrome d’Asperger sont deux formes distinctes d’une même affection et sont probablement très proches aussi bien au niveau des atteintes génétiques sous-jacentes que des mécanismes cérébraux impliqués. Les deux autres formes de troubles envahissants du développement, le syndrome de Rett et le trouble désintégratif de l’enfance ne forment pas de continuum biologique avec les deux syndromes précédents. Ils ne sont pas de même nature que l’autisme et que le syndrome d’Asperger. La ressemblance avec les deux affections précédentes est uniquement clinique. De plus, les personnes atteintes du syndrome de Rett ou de trouble désintégratif de l’enfance ne comprennent que des sujets avec déficience mentale, ce qui n’est pas forcément le cas dans l’autisme et pas du tout le cas pour le syndrome d’Asperger. Contrairement à l’autisme et au syndrome d’Asperger, qui touchent principalement des garçons (4 à 5 garçons pour une fille), le syndrome de Rett touche principalement des filles. Il se caractérise par une détérioration progressive des acquis cognitifs et moteurs, et un arrêt de la croissance cérébrale. Le gène responsable de cette mutation est maintenant identifié et une mutation équivalente n’a pas été retrouvée dans l’autisme. Le trouble désintégratif de l’enfance est un désordre rarissime (0,2 cas pour 10 000 personnes) qui apparaît entre l’âge de 3 et 4 ans. Il consiste en un développement normal pendant les deux premières années de vie suivi d’une détérioration significative au niveau du langage, de l’autonomie, des habilités sociales avec des manifestations de comportements autistiques. Cette détérioration conduit jusqu’à un niveau équivalent à celui d’un enfant autiste déficient.

Enfin le diagnostic de trouble envahissant du développement non-spécifié est attribué à tout sujet qui présente plusieurs caractéristiques associées à l’un des quatre syndromes précédents mais pas en nombre suffisant pour pouvoir recevoir le diagnostic complet. Il est souvent considéré à tort, comme une forme légère d’autisme alors qu’il s’agit, en fait, d’une forme incomplète d’un des quatre syndromes décrits précédemment. Selon Mottron (2004), cette catégorie est souvent abusivement attribuée à des patients ayant perdu des signes d’autisme au cours de leur développement, ce qui correspond en fait à l’évolution normale de cette affection.

L’autisme est une pathologie neuro-dévelopementale. Selon le DSM-IV, le diagnostique de l’autisme se base principalement sur des critères comportementaux (reproduction de Mottron, 2004, p.16):

(A) Un total de six (ou plus) parmi les éléments décrits en (1), (2) et (3), dont au moins deux de (1), un de (2) et un de (3).

(1) Altération qualitative des interactions sociales, comme en témoignent au moins deux des éléments suivants :

(a) altération marquée dans l’utilisation, pour réguler les interactions sociales, de comportements non verbaux multiples, tel que le contact oculaire, la mimique faciale, les postures corporelles, les gestes.

(b) Incapacité à établir des relations avec les pairs correspondant au niveau du développement

(c) Le sujet ne cherche pas spontanément à partager ses plaisirs, ses intérêts ou ses réussites avec d’autres personnes (p.ex., il ne cherche pas à montrer, à désigner du doigt ou à apporter les objets qui l’intéressent.

(d) Manque de réciprocité sociale ou émotionnelle

(2) Altération qualitative de la communication, comme en témoignent au moins un des éléments suivants 

(a) retard ou absence totale de développement du lagage parlé (sans tentative de compensation par d’autres modes de communication, comme le geste ou la mimique)

(b) chez les sujets maîtrisant suffisamment le langage, incapacité marquée à engager ou à soutenir une conversation avec autrui

(c) usage stéréotypé et répétitif du langage ou langage idiosyncrasique

(d) absence d’un jeu de « faire semblant » varié et spontané, ou d’un jeu d’imitation sociale correspondant au niveau de développement

(3) Caractère restreint, répétitif et stéréotypé des comportements, des intérêts et des activités, comme en témoignent au moins deux des éléments suivants 

(a) préoccupation circonscrite à un ou plusieurs centres d’intérêt stéréotypés et restreints, anormale soit dans son intensité, soit dans son orientation

(b) adhésion apparemment inflexible à des habitudes ou a des rituels spécifiques et non fonctionnels

(c) maniérisme moteur stéréotypés et répétitifs (p.ex., battement ou torsions des mains ou des doigts, mouvements complexes de tout le corps)

(d) préoccupations persistantes pour certaines parties des objets

(B) Retard ou caractère anormal du fonctionnement, débutant avant l’âge de 3 ans, dans au moins un des domaines suivants : (1) interactions sociales, (2) langage nécessaire à la communication sociale, (3) jeu symbolique ou d’imagination.

(C) La perturbation n’est pas mieux expliquée par le diagnostic de Syndrome de Rett ou de Trouble désintégratif de l’enfance.

Ces caractéristiques figurent notamment dans les descriptions de l’American Psychatric Association (DSM-IV, 1994) et de l’International Classification of Diseases (ICD-10) de l’Organisation mondiale de la santé (World Health Organization, 1987). Mais, la définition de l’autisme a évolué au cours du temps.