1.1.1 L’autisme de Kanner

Dans son premier article, Kanner a mis en avant un ensemble de traits qui lui semblait être caractéristique des enfants qu’il a observés.

L’extrême isolement autistique

Ces enfants échouent à construire des relations sociales normales avec les gens. Ils semblent être heureux lorsqu’on les laisse seuls. Ce manque de contact social semble précoce. Par exemple, les jeunes enfants autistes ne tendent pas les bras vers leurs parents lorsque ces derniers veulent les prendre.

L’anxiété obsessionnelle d’immuabilité

Les enfants semblent être contrariés par le changement de leur routine ou de leur environnement. Un chemin différent pour aller à l’école, un réagencement de leurs affaires peut engendrer des colères et les enfants ne se calment pas avant que l’ordre antérieur soit restauré.

Une excellente mémoire par cœur

Les enfants que Kanner a observés montraient une capacité à retenir des éléments matériels sans signification particulière (comme la page d’index d’une encyclopédie) ce qui semblait contradictoire avec leurs apparentes difficultés d’apprentissage ou leur handicap mental à d’autres égards.

Une écholalie différée

Les enfants répétaient les paroles qu’ils entendaient mais échouaient à utiliser les mots pour communiquer au-delà de l’utilisation immédiate. L’écholalie explique probablement l’inversion des pronoms que Kanner a remarqué – les enfants utilisent « tu » quand ils référent à eux-mêmes et « je » pour les autres personnes. Leur utilisation du langage est une répétition directe de la remarque de l’interlocuteur. Dans le même ordre d’idée, les enfants utilisent souvent une question pour demander quelque chose. Par exemple, l’enfant dit « Est-ce que tu veux un gâteau ? » au lieu de dire « Je veux un gâteau ».

La sur-sensibilité à certains stimuli

Kanner a noté que beaucoup d’enfants réagissaient fortement à certains bruits ou à certains objets comme le bruit des aspirateurs ou des ascenseurs et même du vent. Quelques enfants montraient des problèmes alimentaires ou au contraire un engouement pour la nourriture.

Limitation des activités spontanées

Les enfants montraient des répétitions de mouvements, de verbalisation ou d’intérêts. En revanche, Kanner pensait que ces enfants montraient une bonne relation avec les objets et il était impressionné par la dextérité avec laquelle ils faisaient tourner les choses ou l’aisance avec laquelle ils réalisaient un puzzle.

De bonnes potentialités cognitives

Kanner estimait que la mémoire exceptionnelle et la dextérité de ces enfants étaient le reflet d’une intelligence supérieure, bien que ces enfants soient considérés comme ayant de sévères difficultés d’apprentissage. Cette forte impression d’intelligence – un enfant autiste peut s’il le veut – est souvent ressentie par les parents et les enseignants. Leur bonne mémoire est particulièrement intéressante – on a tendance à penser que si elle était utilisée à des fins pratiques, les enfants pourraient apprendre. Cette impression d’intelligence est renforcée par l’absence de stigmates physiques chez la plupart des enfants autistes, ils ont l’air « normal ». Beaucoup d’auteurs insistent sur leur beauté.

Familles hautement intelligentes

Kanner a remarqué que tous ses cas provenaient de familles intellectuelles. Cette constatation est certainement biaisée par le fait que Kanner travaillait dans une clinique privée avec une clientèle privilégiée : le groupe d’individus qu’il a observé n’est donc pas représentatif. Kanner a décrit des parents froids, bien que dans son papier il prenne ses distances avec la théorie psychodynamique. Plutôt, il déclare que « ces enfants sont venus au monde avec une incapacité innée à établir le contact affectif habituel et biologiquement inné avec les gens » (notre traduction)12.

Dans ses écrits plus récents (Kanner & Einsenberg, 1956), Kanner revient sur les symptômes de l’autisme pour n’en conserver que deux : l’isolement extrême et l’insistance obsessionnelle sur l’immuabilité. Il considère les autres symptômes comme secondaires et causés par ces deux éléments (comme le déficit de la communication) ou non spécifique à l’autisme (par exemple, les stéréotypies).

Notes
12.

« These children have come into the world with innate inability to form the usual, biologically provided affective contact with people. »