1.2.3.1 La socialisation

Les enfants autistes ne sont pas globalement affaiblis au niveau du fonctionnement social. Par exemple, les enfants autistes montrent des comportements d’attachement identiques à ceux des enfants ayant de sévères difficultés d’apprentissage, d’âge mental équivalent, mais par ailleurs non-autistes (Shapiro et al., 1987 ; Sigman et Mundy, 1989). Dans le même ordre d’idée, les enfants autistes ont conscience de leur identité physique, ils reconnaissent leur image dans le miroir à l’âge mental normal (Dawson & McKissick, 1984). Ils sont aussi doués que les enfants contrôles de capacités verbales équivalentes pour reconnaître les visages des autres (Ozonoff et al., 1990, Smalley & Asarnow, 1990) bien que des études récentes(Klin & al., 2004) démontrent que la reconnaissance des visages chez les personnes autistes est moins corrélées avec les capacités générales cognitives que les contrôles. Les personnes autistes sont capables de répondre différemment à différentes personnes et à différents types d’approche22 (Clarke & Rutter, 1981). Beaucoup d’enfants autistes ne sont pas nécessairement distants et produisent des comportements et des vocalisations afin d’attirer l’attention (Sigman et al., 1986 ; Sigman & Mundy, 1989).

Néanmoins les enfants autistes montrent des déficits dans la compréhension sociale. Il y a quelques désaccords sur l’âge auquel ces difficultés apparaissent étant donné que l’autisme est rarement diagnostiqué avant l’âge de trois ans. Les comportements sociaux que l’on peut observer chez les enfants à développement typique n’ont pas encore été explorés chez les nourrissons autistes pour la simple raison que les diagnostics les plus précoces n’interviennent pas avant 18 mois. Cependant ils ont été examinés chez des enfants autistes plus âgés et même chez des adultes.

(a) Les enfants autistes présentent une incapacité à partager et à diriger leur attention. Ils ne pointent pas un objet du doigt afin de partager leur zone d’intérêt (aussi appelé pointage protodéclaratif, Curcio, 1978). Par contraste, les enfants à développement typique suivent le pointage ou la direction du regard d’un adulte pour partager leur zone d’intérêt entre 9 et 12 mois.

(b) Il existe probablement un problème d’imitation chez les enfants autistes. Il a été prouvé que les nouveaux-nés montrent des signes d’imitation – ils tirent la langue à un adulte leur tirant la langue ou ouvrent la bouche lorsqu’un adulte fait la même action (Meltzoff & Moore, 1977 ; Meltzoff, 1988). Les enfants et les adultes souffrant d’autisme semblent avoir des difficultés à copier les mouvements (Sigman & Ungerer, 1984 ; Hertzig et al., 1989). Toutefois, ces études se focalisent sur l’imitation de mouvements du corps plus ou moins complexes mais ne nous apprennent rien sur les capacités des nourrissons autistes à montrer des imitations primitives (primitive imitations) normales.

(c) Les personnes atteintes d’autisme semblent avoir des déficits dans la reconnaissance des émotions. Encore une fois, les premiers indices de sensibilité aux émotions apparaissent très tôt dans le développement normal : des enfants de 2 à 4 mois sont capables de discriminer certaines émotions (Field et al., 1982) et autour de 7 mois, les nourrissons peuvent apparier correctement des sons émotionnels à des images émotionnelles (Walker, 1982). À l’âge de 12 mois, les bébés font preuve de référencement social (social referencing, Happé, 1994a) – ils répondent différemment à un nouveau jouet selon l’expression de leur mère : dégoût ou peur versus sourire (Hornik et al., 1987). Plusieurs études ont montré que les enfants autistes avaient un déficit dans la reconnaissance des émotions bien que les sujets soient âgés de 5 ans ou plus (Hobson 1986a,b ; Hertzig et al., 1989 ; Macdonald et al., 1989 ; Smalley & Asarnow, 1990). En revanche, Ozonoff et al. (1990) suggèrent que les sujets autistes ne montrent pas de problèmes spécifiques si on les compare à des sujets contrôles de même niveau langagier.

Notes
22.

Par exemple, un enfant de notre étude, Mathieu, est de parents chinois et se comporte comme les enfants DT face à la question du bilinguisme : il s’adresse en chinois aux membres de sa famille et en français aux professionnels du centre ISATIS. Pour autant, son développement linguistique manifeste toutes les difficultés bien connues de l’acquisition linguistique chez les enfants autistes (cf. chapitre 5).