1.3.1.1.3 Le mécanisme d’attention partagée – SAM (Shared-Attention Mechanism)

Le mécanisme d’attention partagée (SAM) a pour but de créer des représentations triadiques (les deux précédents mécanismes forment des représentations dyadiques). Les représentations triadiques précisent les relations entre un agent, le sujet et un troisième objet (qui peut être un autre agent). Ce type de relation inclut un élément qui spécifie que l’agent et le sujet sont tous deux intéressés par le même objet. SAM crée des représentations triadiques en utilisant toutes les informations sur l’état perceptif de l’autre (« Maman voit – je vois le gâteau »). SAM repère l’attention partagée en comparant l’état perceptif de l’autre (il voit X) avec son propre état perceptif actuel (je vois X). Il permet ainsi à l‘enfant de créer des représentations triadiques (Je vois qu’il voit X). Ce procédé permet au bébé de repérer que l’autre et lui voient, sentent, touchent ou entendent la même chose (SAM est supramodal, rappelons le). Baron-Cohen postule que SAM construit des relations triadiques plus facilement avec EDD car la seule chose impliquée est le contrôle de la direction du regard de l'autre vers un objet. Par exemple, l’attention partagée via le toucher est possible. Les enfants aveugles l’utilisent sans aucun problème, il leur suffit d’aller chercher la main de l’autre et de la poser sur l’objet, mais elle est beaucoup plus fastidieuse qu’avec la vision. L’attention partagée consiste non seulement à s’intéresser au même objet ou au même événement que l’autre mais surtout à vérifier que soi et l’autre sont bien intéressés par le même objet ou le même événement. Or il est plus aisé de faire cela avec la vision (vérifier le regard de l’autre) qu’avec les autres modalités sensorielles. Si une action est incertaine pour les jeunes enfants, les yeux de la personneavec qui ils partagent cette attention sont le premier endroit où ils vont aller chercher de l’information pour dissiper leurs doutes.Il existe donc une relation privilégiée entre EDD et SAM ; SAM dépend fortement de EDD. Plusieurs études (Scaife & Bruner, 1975 ; Butterworth, 1991) ont montré que dès 9 mois, les bébés contrôlent le regard de l’autre et, autour de 14 mois, on observe cette tendance chez tous les enfants du monde. Le bébé dirige son regard dans la même direction que l’adulte et en regardant alternativement l’objet ciblé et l’adulte, il vérifie à plusieurs reprises qu’ils regardent la même chose et établit ainsi une attention visuelle partagée. De plus, à la même période, les enfants commencent à produire des gestes de pointage protodéclaratifs (Bates et al., 1979) ou amènent des objets dans le champ visuel d’autrui (Lempers et al., 1977). Ces deux types de comportements engendrent une attention partagée sollicitant fortement EDD.

SAM interagit avec deux autres mécanismes de lecture mentale : EDD et ID. Lorsque SAM construit une relation triadique, il utilise les informations de EDD. La représentation construite est en terme visuel (regarder, voir, remarquer etc.). Mais elle peut aussi être empruntée à ID (vouloir, avoir le but de etc.). Ainsi l’usage du terme de but par EDD passe forcément par ID. Plusieurs études (Phillips, Baron-Cohen & Rutter, 1992) ont montré que lorsque EDD est lié à ID via SAM, la direction du regard est interprétée en termes d’états mentaux de désir, de but et de référence — cette dernière étant un cas particulier de but (Baron-Cohen, 1995). Même à l’âge de 18 mois, les bébés sont sensibles au regard comme cible de référence (Baldwin, 1991, 1994 ; Tomasello, 1988). Néanmoins, un mécanisme supplémentaire (mais lié aux trois premiers) est nécessaire pour expliquer comment les enfants se représentent des situations plus complexes.