1.3.3.2 L’autisme et les fonctions exécutives

Plusieurs études ont montré que les personnes souffrant d’autisme auraient des dysfonctionnements exécutifs sévères, persistants et universels (Bishop, 1993, Ozonoff, 1995, 1997 ; Pennington & Ozonoff, 1996). En se plaçant d’un point de vue neuropsychologique, plusieurs études (Adrien et al, 1993 ; Bishop, 1993, Russel, 1997) ont rapproché l’autisme infantile, tant du point de vue comportemental que cognitif, du syndrome frontal – dysexécutif. Le désir d’immuabilité et la grande détresse des personnes autistes lorsque le quotidien est modifié est interprété par certaines études par un manque de flexibilité cognitive – capacité à modifier le mode de raisonnement, de changer de résolution et de les alterner pour parvenir au but recherché (Welch & Pennington, 1988) – que l’on retrouve également chez des patients souffrant de lésions préfrontales. Le manque de flexibilité cognitive explique les activités répétitives et stéréotypées et fournit une explication cognitive aux difficultés d’adaptation sociale qui reposent (entre autres) sur la capacité d’ajuster les actions aux fluctuations de l’environnement (Gillet & al, 2003). De plus, les activités stéréotypées solitaires et répétitives que l’on retrouve chez les sujets autistes peuvent être rapprochées des activités persévératrices des adultes « frontaux ». De même, les enfants autistes sont réputés pour leur manque d’imagination (Wing & Gould, 1979), cette incapacité à imaginer les actions et les pensées des autres personnes – autrement dit un déficit de la théorie de l’esprit – pourrait provenir d’une difficulté à se décentrer des perceptions immédiates. Autrement dit, ce manque d’imagination serait vu comme un trouble de l’attention sélective, en particuliers de l’inhibition attentionnelle observée chez les patients frontaux (Perret, 1974). En revanche, on ne sait pas avec exactitude, aujourd’hui si ce défaut d’inhibition attentionnelle (Diamond, 1988 ; Ozonoff, 1997 ; Pennington & Ozonoff, 1996) qui s’observe chez les jeunes enfants autistes leur serait spécifique ou serait également présent dans d’autres pathologies neuro-développementales associées à un handicap mental. (Gillet et al, 2003). Ces données neuropsychologiques permettent, néanmoins de soutenir que les lobes frontaux jouent un rôle dans la régulation des activités et des émotions, le comportement intentionnel et les actions dirigées vers un but (Damasio, 1995 ; Luria, 1967 ; Shallice, 1982). On considère aujourd’hui que les parties frontales du cerveau comme le support neuro-anatomique des fonctions exécutives (Duncan, 1986 ; Goldman-Rakic, 1987 ; Grattan & Eslinger, 1991 ; Passingham, 1993 ; Shallice, 1988).

En conclusion, chez les sujets autistes, des études ont rapporté des difficultés d’inhibition attentionnelle, de planification et de flexibilité cognitive dans des situations de résolution de problèmes. Ainsi, il serait possible d’évaluer les fonctions exécutives des jeunes enfants qui pour différentes raisons neuro-développementales n’ont pas développé de langage oral (Gillet & al, 2003). Si l’autisme est analysé selon une conception neuropsychologique, il se caractérise par un syndrome frontal – dysexécutif (Russel, 1997). D’un point de vue théorique, cette conception soulève des questions intéressantes concernant le rapport entre la cognition sociale et les fonctions exécutives d’une part et d’autre part entre les fonctions exécutives et la capacité à mentaliser l’esprit d’autrui (Baron-Cohen & al, 1985 ; Bishop, 1993).