2.5 Modèle inférentiel et autisme

Nous avons déjà vu que la notion d’inférence est au centre de la communication aussi bien chez Grice (2.3) que dans la théorie de la pertinence proposée par Sperber et Wilson (2.4). Lorsque l’on parle de signification non naturelle et plus précisément de communication ostensive-inférentielle, la reconnaissance des intentions est nécessaire à la compréhension communicative.

La reconnaissance des intentions – informative et communicative – permet de saisir les pensées qu’autrui veut faire passer. Si l’on adhère à ces théories de la communication, on comprend bien pourquoi les personnes autistes ont de réelles difficultés à communiquer. En effet, la reconnaissance des intentions, et donc des pensées d’autrui suppose ce qu’il est convenu d’appeler en sciences cognitives la théorie de l’esprit (voir chapitre 1, 1.3.1). Sperber et Wilson font de la capacité à attribuer des états mentaux aux locuteurs afin de comprendre le sens de la pensée communiquée, une des bases de la théorie de la pertinence.

Or, c’est précisément une des capacités qui est déficiente chez les personnes atteintes du syndrome autistique. De ce fait, les personnes souffrant d’autisme ne peuvent pas utiliser la théorie de l’esprit pour détecter les intentions informatives et communicatives du locuteur. Ils n’utiliseraient que les indices linguistiques lors de l’interaction, ce qui pose bien évidemment des problèmes aigus de communication. Par ailleurs, leurs difficultés généralisées à prendre en compte les indices socio-pragmatiques, qui jouent un rôle important dans l’acquisition lexicale chez les enfants à développement typique (cf. chapitre 3, § 4), contribuent probablement à expliquer leurs difficultés d’acquisition linguistique.

Plusieurs études ont montré que les individus souffrant du syndrome autistique ont des difficultés à s’intéresser aux informations contextuellement pertinentes (Jolliffe & Baron-Cohen, 1999a, 1999b, 2000 ; Norbury & Bishop, 2002). Les performances dans les tâches pragmatiques sont liées avec le raisonnement au sujet des fausses croyances. Surian et al (1996) concluent que « sans les capacités de se représenter les attitudes propositionnelles, l’individu ne eut pas exploiter la présomption de pertinence pour interpréter les énoncés ou pour en évaluer l’adéquation 28».(p.65, notre traduction).

Happé (1993) a comparé les niveaux de théorie de l’esprit avec la compréhension des comparaisons, des métaphores et de l’ironie d’enfants autistes. Selon la théorie de la pertinence, les comparaisons peuvent être comprises de façon purement littérale alors que les métaphores requièrent la compréhension de l’intention informative (métareprésentation de 1° niveau) et l’ironie la compréhension de métareprésentations de second degré.

Notes
28.

‘‘without the ability to represent propositional attitudes one cannot exploit the presumption of relevance in interpreting utterance or in evaluating its adequacy’’