3.1 Processus et décours temporel

Lorsque l’enfant acquiert sa langue maternelle, il passe par différentes phases. L’identification de ces phases est une des questions fondamentales de l’étude de l’acquisition du langage. Plusieurs études portant sur le développement du langage ont mis en évidence des stades d’acquisition que l’on retrouve invariablement, quel que soit l’environnement linguistique de l’enfant, y compris chez les enfants sourds face à la langue des signes (Goldin-Meadow, 2003). Néanmoins, il existe d’énormes différences inter-individuelles au niveau du rythme d’acquisition : deux enfants peuvent avoir plusieurs mois de décalage pour prononcer leurs premiers mots sans que l’acquisition linguistique soit considérée comme anormale (Pinker, 1994). On peut aussi remarquer un décalage entre l‘âge auquel un enfant comprend un mot ou une expression et l’âge auquel il produit ce même mot ou cette même expression. En effet, il a été montré que la compréhension précède la production linguistique, en d’autres termes, il y a un décalage entre la compétence et la performance (cf. § 0.6.1). Malgré ces différences, tous les enfants passent par ces différentes étapes. Ainsi, plus généralement, on peut dire que l’acquisition du langage se divise en trois étapes.

Durant sa première année, l’enfant commence par un développement prélinguistique qui va lui permettre autour de l’âge de 12 mois de prononcer ses premiers mots. À la fin de sa première année, l’enfant a un vocabulaire assez limité. Ce n’est qu’à partir de 18 mois que l’acquisition lexicale va augmenter de façon plus spectaculaire. C’est aussi au milieu de sa deuxième année que l’enfant commence à combiner deux mots. Enfin, lors de la troisième année, on observe des progrès rapides dans l’acquisition lexicale mais aussi l’apparition des premières structures syntaxiques. Cette évolution permet à l’enfant d’avoir, autour de l’âge de 4 ans, un niveau proche de celui d’un adulte (au moins du point de vue syntaxique : l’acquisition lexicale se poursuit tout au long de l’existence).

Avant de décrire plus en détail ces différentes étapes, il est important de noter que le processus d’acquisition du langage est limité par un certain nombre de facteurs biologiques et cognitifs. Ces facteurs permettent notamment d’expliquer pourquoi l’enfant n’est pas capable de prononcer un mot avant la fin de sa première année et met six mois à un an de plus pour commencer à utiliser ses premières structures syntaxiques. Ainsi, il faut souligner que la maturation du cerveau de l’enfant influence fortement son accès aux différentes phases de l’acquisition du langage. D’autres facteurs peuvent contraindre le développement linguistique de l’enfant comme les capacités de mémoire, d’attention ou le développement du système articulatoire. Comme nous le verrons dans le chapitre suivant, certains aspects du développement linguistique, notamment en ce qui concerne le lexique, dépendent fortement du développement cognitif de l’enfant.