3.1.3 L’explosion du langage (24 mois à 4 ans)

Suite à la production de combinaisons de mots, à la fin de la deuxième année de vie, l’acquisition du langage s’accélère. Entre la fin de la deuxième année et le milieu de la troisième, l’enfant est capable de produire des phrases de plus en plus longues et il peut utiliser des formes beaucoup plus complexes, en particuliers au niveau syntaxique. Cette acquisition devient tellement rapide que Pinker (1994) fait remarquer, qu’il devient impossible de savoir dans quel ordre les divers éléments de la phrase sont acquis.

Si l’on se place du point de vue lexical, la taille du vocabulaire augmente rapidement au cours de la troisième année. Entre 23 et 30 mois, l’enfant acquiert en moyenne 1,6 mots nouveaux par jour. Ainsi, à l’âge de 4 ans, l’enfant a en sa possession plus de 600 mots acquis. L’acquisition du langage continue tout au long de l’enfance, mais elle atteint son paroxysme entre l’âge de 8 et 10 ans, période pendant laquelle l’enfant apprend quotidiennement 12,1 mots (Pinker, 1994).

C’est au milieu de la troisième année que les enfants commencent à utiliser les éléments des classes fermées – articles, prépositions, connecteurs pragmatiques – de façon appropriée. Les articles, en revanche, sont produits un peu plus tôt, vers la fin de la deuxième année. L’acquisition des articles, tout comme celle des nombres, est un peu différente du reste du lexique. En effet, souvent les premières productions d’articles précèdent de plusieurs mois la maîtrise complète de l’utilisation appropriée de ces éléments. Il s’agit d’un des rares exemples où la production est antérieure à la compréhension.

Autour de 18 mois, lorsque l’enfant combine ses premiers mots, il difficile de savoir avec certitude à quelle classe grammaticale l’enfant attribue ces premiers mots. Ce phénomène devient observable lorsque l’enfant commence à utiliser des marques morphologiques comme le pluriel ou la marque du passé. Il semblerait que dans un premier temps, l’enfant apprendrait la forme irrégulière indépendamment du reste, par imitation de ce qu’il entend autour de lui. Puis, l’enfant construit une règle qu’il généralise par la suite à l’ensemble d’une classe. Il n’est pas rare d’entendre de jeunes enfants produire des surgénéralisations et ainsi de parler des chevals, avant l’âge de trois ans. Ainsi dans le domaine lexical aussi, l’enfant construit des règles qu’il généralise par la suite à l’ensemble d’une classe. Clark (2003) cite un autre exemple avec les verbes irréguliers au passé, en anglais. Dans un premier temps, l’enfant anglophone utilise la forme correcte went. Cette forme est intégrée par l’enfant comme une forme à part entière. L’enfant ne semble pas la relier au verbe to go. Ensuite, l’enfant comprend la règle de formation du passé des verbes – ajout du morphème -ed au radical – il généralise d’abord cette règle à la forme qu’il utilisait et crée la forme verbale wented à partir de la forme passé went, puis plus tard goed à partir de l’infinitif go pour finalement revenir plus tard à la forme correcte went. Selon Clark, l’ordre d’acquisition des différents morphèmes grammaticaux dépend simultanément de deux facteur: la fréquence d’utilisation et la complexité sémantique de la relation exprimée.

Du point de vue syntaxique, la troisième et la quatrième année de vie de l’enfant sont marquées par l’acquisition de structures syntaxiques complexes. L’enfant commence à formuler des questions syntaxiquement correctes, à utiliser la négation, des constructions passives ainsi que la coordination et la subordination des propositions de la phrase. Cette progression rapide permet à l’enfant d’acquérir un niveau linguistique proche de celui de l’adulte, vers ses quatre ans. Néanmoins, l’acquisition de certains aspects du langage se poursuit tout au long de sa vie. Par exemple, le connecteur pragmatique puisque n’est acquis que vers l’âge de 6 ou 7 ans (Zufferey, 2007) et l’adulte continue à augmenter son lexique de nouveaux items (qui appartiennent typiquement aux classes ouvertes).