3.2.3.2 Du processus d’internalisation au processus d’interprétation

Le processus d’internalisation des événements du monde est suivi du processus d’interprétation des événements du monde. Le processus d’internalisation capture les événements en cours tels qu’ils se produisent, à la manière du cinéma-vérité. Les enfants en processus d’internalisation sont équipés de capacités primitivescomme la causalité, le caractère animé,dontémerge ce que Mandler appelle le format schématique (image-schematic)de l’image. La première caractéristique de la compréhension du langage est que les enfants opèrent à la façon d’un réalisateur de cinéma-vérité, c’est-à-dire qu’ils utilisent le langage (ou plus exactement les propriétés de surface du langage comme les paramètres acoustiques) pour représenter les objets, les êtres animés et les relations dans le monde. Les enfants extraient des morceaux non analysés du flux linguistique – définis par leur enveloppe prosodique – qui vont être associés à des personnes ou des événements spécifiques (voir Peters, 1985). Les propriétés acoustiques du langage aident les enfants à découper le flux et le reflux du monde en unités comme les objets, les actions ou les événements. Ce point de vue présuppose que les parents parlent du « ici-et-maintenant » quand ils s’adressent directement à leurs enfants (dans les cultures occidentales) ou lorsqu’ils décrivent les actions de leurs enfants (comme dans certaines cultures non occidentales ; e.g., chez les Kulali en Papouasie Nouvelle Guinnée ; Schieffelin, 1990).

Les enfants entrent dans le processus d’interprétation lorsqu’ils maîtrisent leur perspective sur les événements du monde : ils sont alors capables d’analyser et de se représenter ces événements. Reprenons l’analogie du cinéma citée plus haut : les enfants cessent de faire du cinéma-vérité, ils peuvent sélectionner ce qui les intéresse, ils peuvent zoomer sur certains éléments, se concentrer sur les actions ou les émotions d’une seule personne, etc. Les enfants deviennent de talentueux interprètes du film. Les modèles mentaux sont annotés avec des expériences personnelles via ce processus d’interprétation.

Certains soutiennent que ce passage vers des modèles mentaux sophistiqués qui impliquent à la fois l’internalisation et l’interprétation des événements physiques sont l’une des forces évolutionnistes de la création du langage. Par exemple, Miller (1990) pense que le langage évolue grâce à une double pression : la première pour un langage efficace et la seconde pour des représentations sophistiquées. Pour Bloom (1994), la communication, d’abord à travers les affects, puis à travers les propositions (au sens grammatical) du langage, est née du besoin d’exprimer le contenu d’un esprit qui devient de plus en plus complexe.