5.4 Agrammaticalités

Une bonne indication de la progression dans l’acquisition du langage est de comparer l’évolution de la longueur moyenne d’énoncé (MLU) avec l’évolution (la diminution) des agrammaticalités du discours.

Nous avons étudié les différents types d’agrammaticalité que les enfants produisaient lors de leurs productions. Nous présentons les agrammaticalités qui rassemblaient les plus haut taux pour chaque enfant. En effet, nous n’avons pas jugé nécessaire, par exemple, de faire figurer les écholalies pour les enfants SLI étant donné qu’ils n’en produisent pas. De même, pour les enfants autistes, si la proportion d’écholalie reste marginale, nous ne l’avons pas fait figurer dans les agrammaticalités. Par exemple, nous avons répertorié les agrammaticalités suivantes :

L’enfant omet le déterminant lorsqu’il produit un nom. Il ne dit que le mot seul. Par exemple, Charlotte est en séance de travail avec Nathalie son éducatrice (Annexes 4, C-travail-8.cha):

*NAT: C'est quoi ça?

*CHA: Maison.

*NAT: Une fenêtre.

*CHA: Fenè [: fenêtre].

Lorsque l’enfant produit un verbe, il omet le pronom correspondant. Par exemple, Eliott prend son goûter avec les éducateurs (Annexes 4, E-gouter6.cha). Il doit demander ce qu’il veut manger et boire.

*ELI: eu [: veux] boi [: boire].

*MAR: Boire, très bien.

*MAR: De l'eau?

*MAR: Du sirop?

*ELI: irop [: sirop]!

Il arrive que les enfants n’utilisent pas le bon pronom devant un verbe. Par exemple, Meva est en séance de travail (Annexes 4, Mv-travail7.cha) avec Céline son éducatrice.

*CEL: Là, tu attends.

*MAV: Là, tu attends.

*MAV: Tu es punie

Céline demande à Maeva d’attendre. Maeva répète ce que viens de dire Céline, elle n’utilise donc pas le bon pronom. La première intervention de Maeva ressemble fort à une écholalie ou tout du moins à une répétition comme pour intégrer ce qui vient d’être dit. Sa seconde intervention, en revanche, n’est pas vraiment de l’écholalie. Elle ressemble plus à un commentaire de ce que vient de lui dire Céline et au lieu de dire « Je suis punie », elle dit « Tu es punie ».

Les enfants autistes ont parfois du mal à conjuguer les verbes, ils préfèrent alors l’utiliser à la forme infinitive. Prenons, l’exemple de Maeva (Annexes 4, Mv-jouer.cha), qui demande à Nadège, l’expérimentaliste, de regarder l’écran de la caméra.

*MAV: Regarder.

*NAD: Doucement.

*MAV: regarder.

*NAD: Regarde.

Maeva, ne sait pas comment demander pour regarder l’écran de la caméra. Elle dit juste le verbe « regarder » sans le conjuguer.

Les enfants autistes ont du mal à utiliser les pronoms personnels ou possessifs tels que « moi », « toi », « mon », « ton », etc., leur substituant leur propre nom. Dans les exemples ci-dessous, Matthieu (Annexes 4, M-travail7.cha) est en séance de travail avec Georges son éducateur.

*GEO: Prends ta photo.

*GEO: Non, ta photo.

*GEO: Voilà, la photo de Matthieu.

*GEO: Tu la mets là.

*MAT: La photo de Matthieu.

*GEO: très bien.

Matthieu ne comprend pas l’article possessif ta, son éducateur reformule donc sa demande en utilisant son prénom. Matthieu exécute la demande de Georges en verbalisant, mais utilise son prénom (« la photo de Mathieu ») au lieu de ma photo.

Cet exemple pourrait cependant s’apparenter à une écholalie légèrement différée. Examinons le second exemple. Georges et Matthieu sont toujours en séance de travail. Matthieu doit indiquer quels enfants sont présents aujourd’hui au centre d’accueil.

*GEO: Aujourd'hui on est +..?

*GEO: Aujourd'hui, quel jour on est?

*GEO: On est +..?

*MAT: Lundi.

*GEO: Lundi.

*GEO: Il y a +..?

*MAT: Simon.

*GEO: Simon.

*GEO: Il y a +..?

*MAT: Maeva.

*GEO: Maeva.

*GEO: Et il y a +..?

*MAT: Il y a Matthieu.

*GEO: Moi.

*MAT: Moi.

Matthieu énumère les enfants qui sont présents aujourd’hui à la Tarentelle. Il en vient à lui, et il utilise son prénom au lieu du pronom personnel moi.