5.5 Compréhension

Afin de tester la première hypothèse à savoir que les enfants autistes manifesteraient une dissociation entre leur compétence linguistique et leur performance, nous leur avons fait passer un test de compréhension. Les tests de compréhension ont été basés sur les expériences effectuées par Savage-Rumbaugh et al. (1993). Nous avons proposé plusieurs phrases pour chaque type de phrases (voir 5.3). Nous avons obtenu les résultats suivants.

Tableau 40 : Résultats des tests de compréhension
Correct Partiellement Correct Incorrect
Victor 0 25 75
Elliot 50 16,66 33,33
Lyne 47,83 43,48 8,70
Matthieu 42,86 35,71 21,43
Félix 71,79 28,21 0
Maéva 52 36 12
Ahmed 42,86 33,33 23,81
Grégory 59,09 36,36 4,55

En pourcentage

Figure 75 : Résultats des tests de compréhension
Figure 75 : Résultats des tests de compréhension

Ces résultats sont encourageants. En effet, si l’on excepte Victor, les enfants ont plus de 60% de réponses correctes ou partiellement correctes. Néanmoins, nous étions souvent obligés de répéter ou de reformuler la consigne afin que les enfants comprennent complètement ce que nous leur demandions de faire. Par exemple, pour une phrase du type « Pose la fourchette sur le camion », si l’enfant n’exécutait pas l’action immédiatement et montrait des signes d’incompréhension, nous décomposions la consigne de la façon suivante : « prends la fourchette » et une fois, que l’enfant l’avait prise nous lui demandions de la poser sur le camion.

Regardons plus attentivement les comportements des enfants, lors de ce test.

Victor semblait complètement absent, lors de la passation de l’expérience. Nous avions l’impression qu’il n’entendait ce que nous lui disons ou ne semblait pas de comprendre. Lorsque nous lui faisions faire l’action afin de lui faire comprendre l’objectif de l’expérience, il ne reproduisait pas le geste ensuite. Nous avons demandé à l’éducateur de donner la consigne lui-même dans le cas où l’enfant soit un peu perturbé de ce changement de personne, mais ses performances ne s’amélioraient pas pour autant.

Eliott était un peu plus attentif aux consignes données. Il repérait les objets mentionnés du coin de l’œil, mais ne faisait pas l’action demandée. Il attendait sans doute une confirmation de l’objet à utiliser et qu’on lui montre l’action ou qu’on la lui fasse faire. Autre fait intéressant, Eliott utilisait les jouets de façon fonctionnelle. Par exemple, si nous lui demandions que le bébé tape le chat alors, il fallait que ce soit la main du bébé qui tape le chat.

Lyne semblait ne repérer qu’une partie de l’énoncé. De manière générale, elle repérait les objets demandés et les prenait en main, mais elle hésitait à faire l‘action. Elle a besoin d’une confirmation de l’expérimentateur ou de l’éducatrice. Il fallait souvent la guider pour qu’elle fasse l’action. Elle avait besoin qu’on décompose l’action. Peut-être ne comprenait-elle pas très bien le sens des verbes et que ça l’inhibait dans la poursuite de l’action. Pour éviter cela, nous devions décomposer les consignes.

Matthieu avait besoin que nous l’accompagnions dans l’action pour qu’il comprenne ce qu’on attendait de lui. Tout comme Lyne, il fallait décomposer les consignes. De plus, Matthieu semblait avoir beaucoup de mal lorsqu’on lui demandait plusieurs actions en même temps. Il avait du mal avec les localisations, il attendait qu’on pointe le lieu avant de s’y diriger.

Félix était vraiment performant sur cette expérience. Il exécutait les actions correctement et immédiatement. De plus, cela semblait beaucoup l’amuser. En revanche, certaines actions lui semblaient incompatibles avec l’objet mentionné. Par exemple, nous lui avions demandé de regarder à travers un verre. Félix a pris le verre a fait semblant de boire, mais nous avons eu beaucoup de mal à lui faire regarder à travers. En revanche, pour tous les autres types d’actions illogiques, il n’avait eu aucun problème.

Pour les trois enfants restants, Ahmed, Maeva et Grégory, nous avons eu un problème de matériel et nous avons donc perdu les enregistrements de la passation de cette expérience. Nous les avions analysées avant la perte, mais nous n’avons plus de données concernant les comportements précis de ces trois enfants lors de cette expérience.

Nous avons dégagé plusieurs types d’erreurs que les enfants ont commises.

Chaque enfant ne fait pas tous les types d’erreurs décrits ci-dessus. Par exemple, comparons les deux enfants autistes qui ont réussi le mieux ce test de compréhension. Félix et Grégory ont réalisé respectivement 100% et 95,45% de réponses correctes ou partiellement correctes.

Tableau 41 : Comparaison des erreurs de Félix et Grégory aux tests de compréhension
Félix Grégory
Erreurs sur les verbes 3 3
Erreurs sur les objets 1 2
Erreurs d’agentivité 4 0
Erreurs sur les prépositions 0 1
Erreurs de localisation 0 3
Ajout d’un ou plusieurs objets 2 1

On remarque dans ce tableau que Félix et Grégory ne font pas le même type d’erreurs. Alors que Félix a des difficultés avec la structure argumentale des phrases, ce sont les localisation qui posent problème à Grégory. Et inversement, Félix n’a aucune difficulté avec les localisations et la structure argumentale ne pose pas de problèmes à Grégory. En revanche, ce qui semble commun à tous les enfants autistes que nous avons testés, c’est qu’ils présentent des difficultés dans la compréhension des verbes. En effet, Félix et Grégory sont les deux enfants qui au moment du test de compréhension semblaient montrer le moins de difficultés à comprendre les consignes, même en dehors d’un cadre formel comme le travail en face à face. Mais c’est sur la sémantique des verbes qu’ils commettent le plus d’erreurs.