Au niveau des initiations, nous avons différencié les assertions des requêtes. Bates, Camaiono & Voltera (1975) se sont intéressés à la production d’initiations qu’ils appellent performatifs (actes sociaux reconnus comme tels par le locuteur et son destinataire (Austin, 1965)). Ils ont eux aussi différencié les assertions – qu’ils nomment déclaratifs – et les requêtes –qu’ils nomment impératifs. Les impératifs correspondent à « l’utilisation intentionnelle du destinataire en tant qu’agent ou outil en vue d’une finalité »60 (notre traduction, Bates, Camaiono & Voltera, 1975 ; p.208). Pour les déclaratifs les auteurs ont utilisé la définition de Parisi & Antinucci (1973) : « les déclaratifs sont un type particulier d’impératif, qui rendent compte de l’unique acte épistémique d’assumer des propositions »61 (notre traduction, Bates, Camaiono & Voltera, 1975 ; p.208). Ils ont montré que la capacité intentionnelle des impératifs et déclaratifs n’apparaît pas avant l’âge de 10 mois. Ainsi, les assertions et les requêtes (les déclaratifs et les impératifs selon Bates, Camaiono & Voltera, 1975) seraient les signes d’une communication intentionnelle. En revanche, il serait apparemment plus difficile pour les enfants autistes de produire des assertions plutôt que des requêtes. De notre point de vue, il est intéressant de dissocier les assertions des requêtes pour des raisons contextuelles. En effet, les enfants autistes de notre étude suivent une éducation structurée qui est basée principalement sur les requêtes dans un premier temps avant d’encourager une communication plus spontanée. Ainsi, lorsqu’ils produisent des requêtes, c’est dans le but de satisfaire un besoin alors que lorsqu’ils produisent une assertion il s’agit plus d’une intention communicative pour attirer l’attention de l’adulte sur certains événements ou objets du monde.
Lyne n’initie pas d’assertion lors des 3 premières séances. Sa production augmente peu à peu par la suite, bien qu’elle reste nettement en dessous de celle de l’enfant à développement typique. Eliott initie très peu voire pas d’assertions lors des six premières sessions. Ainsi, l’écart entre lui et l’enfant DT se creuse. Ce n’est qu’à partir de la session 7 que sa proportion d’initiations d’assertions augmente de plus de 10 points, sans pour autant se maintenir par la suite.
Lyne produit généralement plus d’initiations de requêtes que l’enfant à développement typique (excepté pour la session 3). Mais sa proportion de requêtes diminue au cours de l’étude et s’approche de zéro lors de la dernière session. De façon générale, Eliott produit plus de requêtes que l’enfant DT, mais l’écart n’est pas très élevé. Ainsi lors des sessions 2 et 6, Eliott et l’enfant DT sont au même niveau. Contrairement à Lyne, les proportions de requêtes dans les productions d’Eliott restent stables sur les trois années, avec une très légère tendance à la hausse.
Lyne et Eliott initient de façon générale, plus de requêtes que d’assertions. On observe le phénomène inverse pour l’enfant à développement typique. De plus, l’enfant à développement typique produit beaucoup plus d’assertions que Lyne et Eliott mais moins de requêtes, ce qui confirme les hypothèses que l’on trouve dans la littérature depuis l’article princeps de Bates, Camaioni & Voltera (1975).
« The child’s intentional use of the listener as an agent or tool in achieving some end ».
« The declarative is a particular kind of imperative, which commands the unique epistemic act of assuming some proposition. »