6.3 Les tests de fausse croyances

Nous avons fait passer des tests de fausse croyance lors de la première année d’étude seulement aux trois enfants classés au troisième stade d’acquisition du langage (premières phrases) : Ahmed, Maeva et Grégory. Nous n’avons fait passer les tests de fausse croyance qu’à ces trois enfants, car nous estimions qu’ils étaient les seuls de notre panel à avoir un niveau linguistique qui puisse peut-être leur permettre de comprendre l’histoire que nous leur racontions.

Nous avons présenté aux enfants une histoire du type Sally-Ann. Nous leur avons raconté l’histoire tout en leur montrant des images. Par exemple, une petite fille et sa grand-mère sont dans la cuisine. La petite fille range un bouquet de fleurs dans une valise en présence de sa grand-mère. La petite fille sort de la cuisine alors que la grand-mère y reste. Pendant l’absence de sa petite-fille, la grand-mère reprend les fleurs qui étaient dans la valise et va les ranger dans un placard. Enfin, la petite fille revient. On demande ensuite à l’enfant où se trouve le bouquet de fleur à la fin de l’histoire pour être sûr qu’ils ont bien compris l’histoire. Et si ils ont répondu correctement, nous leur posons les question de théorie de l’esprit de premier et second niveau (Où la petite fille va-t-elle aller chercher son bouquet de fleurs en premier ? et Pourquoi la grand-mère a-t’elle caché le bouquet de fleur dans le placard ?).

Ahmed était assez peu intéressé par l’histoire que nous lui racontions. Il ne regardait pas les images et nous devions sans cesse essayer de capter son attention. Il ne pensait qu’à aller jouer dehors. Ainsi, il n’a pas pu répondre à la première question de compréhension. Nous ne lui avons donc pas posé les questions de théorie de l’esprit.

Maeva semblait intéressée par l’histoire que nous racontions. Elle regardait les images avec attention en répétant quelques mots de notre narration. Lorsque nous lui avons posé la question de compréhension, elle n’arrivait pas à montrer le lieu où se trouvait le cheval de bois. Nous lui avons répété plusieurs fois la question et lors de notre dernière tentative, elle a répondu par le mot lit – qui était la réponse correcte. Nous lui avons donc posé la question de théorie de l’esprit de premier niveau (« Où est ce que le petit garçon, va-t-il aller chercher le cheval ? »). Elle a d’abord répété le mot petit garçon, nous avons répété plusieurs fois la question et elle nous a répondu finalement fille. Nous en avons déduit que Maeva ne comprenait pas la question que nous lui posions et qu’elle ne voyait pas où nous voulions en venir. Néanmoins, nous avions un doute quant à sa compréhension de l’histoire dans sa totalité et à la réussite à la question de compréhension, nous avons décidé de lui faire passer un second test de fausse croyance, immédiatement. Or Maeva n’a pas réussi la question de compréhension de ce deuxième test, elle se contentait d’énumérer ce qu’elle voyait sur l’image. Nous avons donc déduit qu’elle avait des difficultés de compréhension narrative et qu’il nous est donc impossible d’inférer un quelconque résultat quant à sa théorie de l’esprit.

Grégory semblait lui aussi très attentif à l’histoire que nous lui racontions. Il répétait de temps en temps des mots de la narration tout en regardant bien les images. Lorsque nous lui avons posé la question de compréhension, il nous a répondu tout simplement . Nous lui avons demandé explicitement de nous montrer avec le doigt. Il nous a montré un lieu et a fait tourner son doigt autour de l’endroit où se trouvait réellement l’objet. Nous lui avons accordé le bénéfice du doute et lui avons posé la question de théorie de l’esprit de premier niveau (« Où est-ce que la petite fille va aller chercher son bouquet de fleur ? »). Grégory nous a répondu fille en la pointant sur l’image. Nous avons donc répété la question et Grégory nous a montré le four – qui est la réponse correcte. Ses réponses ne nous semblant pas assez claires, nous avons décidé de lui faire passer un second test de fausse croyance, pour être sûrs qu’il comprenait bien l’histoire dans un premier temps et pour vérifier si il avait effectivement une théorie de l’esprit de premier niveau. Nous lui avons raconté la seconde histoire et lors de la question de compréhension Grégory pointait n’importe où sur l’image. Tout comme pour Maeva, nous en avons déduit que Grégory avait lui aussi des difficultés de compréhension narrative.

Suite aux résultats d’Ahmed, Maeva et Grégory, nous ne pouvons rien déduire quant à une acquisition, même partielle de la théorie de l’esprit. En effet, ils ne comprennent apparemment pas la trame narrative de l’histoire. Ces trois enfants étant, à ce stade de l’étude, au troisième stade d’acquisition, et surtout plus âgés que le reste de la cohorte, il y a de fortes chances pour que nous soyons confrontée au même problème avec les enfants plus jeunes. Nous avons donc décidé d’examiner plutôt un des précurseurs de la théorie de l’esprit, à savoir l’attention conjointe