7.4 Synthèse

Il semblerait que la capacité d’attention conjointe peut se développer si elle est stimulée et/ou entraînée à travers une prise en charge spécifique à l’attention conjointe. On pourrait bien évidemment penser que l’amélioration des capacités des deux enfants de l’étude n’est pas forcément due à la prise en charge, mais pourrait s’expliquer par le développement naturel pendant les cinq mois de l’étude. Cependant, selon la littérature sur le développement des habilités sociales chez les enfants autistes, il apparaît peu probable que les capacités d’attention conjointe évoluent à l’âge des deux sujets. En effet, l’étude de Bauman & al. (2007) montre que les enfants autistes n’amélioreraient pas leurs capacités d’attention conjointe de façon spontanée entre l’âge de 14 et 24 mois. Les sujets de notre étude sont néanmoins légèrement plus âgés. Cependant, l’attention conjointe est un mécanisme qui se développe très tôt chez les enfants à développement typique (autour de 12 mois) et une évolution de cette capacité semble peu probable chez les enfants autistes de plus de 30 mois, surtout s’ils ne montrent pas de préliminaires de ce comportement.

Laure a réussi les 6 niveaux d’attention conjointe alors que Simon s’est arrêté au niveau 5. De plus, l’évolution de Laure est statistiquement significative contrairement à celle de Simon. Néanmoins, les performances de ce dernier étaient à très peu de points près significatives. Cela peut laisser penser qu’un entraînement supplémentaire lui aurait peut-être permis de progrès plus importants. De plus, sa progression s’effectuait par paliers, ce qui pourrait laisser penser qu’il a besoin de plusieurs séances pour valider un niveau. Enfin, Simon répondait souvent correctement avec un délai et cette latence a souvent été remarquée chez les enfants autistes (Groote & al, 2006). Le fait que Laure fasse preuve précocement d’aller-retours visuels entre l’objet et l’expérimentateur montre un maintien de l’attention conjointe et confirme les dires de Baron-Cohen (1995/1998), à savoir que les enfants autistes ne montrent pas de comportement d’attention conjointe de façon spontanée mais qu’ils sont capables de les développer.

Cette étude confirme que les capacités d’attention conjointe peuvent être apprises. Nous nous sommes focalisés sur les capacités de réponse à l’attention conjointe qui sont primordiales pour le développement du langage, de l’intentionnalité et de la théorie de l’esprit. Or la plupart des études s’étaient intéressées au déficit d’initiations de l’attention conjointe plutôt que sur la réponse.

En ce qui concerne la généralisation, les contraintes de temps n’ont permis de réaliser que 3 séances, ce qui est trop peu pour pouvoir parler de généralisation. Ainsi après avoir diversifié les jouets, il serait intéressant de mener les séances dans des lieux différents, puis avec des personnes différentes et dans des contextes un peu moins protégés. Cette diversification des situations permettrait aux enfants de réaliser un transfert des compétences développées au quotidien. De même, le temps imparti pour la réalisation de cette étude ne permet pas de tirer des conclusions quant aux conséquences des progrès des capacités d’attention conjointes des sujets autistes sur l’acquisition de leur langage.

Toujours dans le souci d’améliorer l’acquisition du langage, nous avons vu que les enfants autistes ont plus de facilités à produire des phrases correctes dans des situations bien structurées et formelles comme les situations de repas. Dans ce type de situations, les enfants autistes savent ce qu’ils doivent faire et comment le faire. En effet, Peeters (1996) précise que les sujets autistes ont besoin de stabilité et de prévisibilité dans les tâches à accomplir. Nous avons aussi remarqué que lors des dernières sessions d’enregistrements, certains enfants devenaient de plus en plus à l’aise dans les situations de jeu. Ce fait est particulièrement avéré pour Lyne et Félix, qui, lors de ces séances, faisaient beaucoup de jeux en communs. Ainsi, si l’on veut aider les enfants autistes à être plus à l’aise dans différentes situations, il est important d’essayer de formaliser le plus de situations possibles et de leur fournir des phrases-types pour toutes ces situations. De plus, les activités en communs, comme les jeux de société aident à formaliser les situations de jeu.