Introduction

Problématique

Lorsque vous conduisez votre voiture, vous réalisez des séries d'actions dont vous êtes plus ou moins conscient. Vous manipulez les organes de commande : pédales, volant, clignotant, etc. Votre regard parcourt votre environnement, vous réagissez à des informations inattendues telles que des bruits de klaxon ou des commentaires de vos passagers. Vous prenez en permanence des "micro décisions", et parfois des décisions plus importantes telles que des choix de manœuvres particulières. En général, vos actions sont adaptées à la situation dans laquelle vous êtes plongés, mais vous seriez bien incapable de les décrire après coup, dans le détail. Quand vous conduisez, vous démontrez à la fois un "savoir-faire" et des capacités de raisonnement que vous mettez en œuvre plus ou moins consciemment. C'est l'ensemble de ces mécanismes "mentaux" que nous désignons par le terme de mécanismes cognitifs.

Lorsque vous êtes passager, vous pouvez vous faire une idée de ces mécanismes mentaux de votre conducteur. Vous pouvez tenter de comprendre ses actes, en observant à la fois ses comportements et la situation dans laquelle il est plongé. Par exemple, vous pouvez vous apercevoir qu'il a "pris conscience" d'une limitation de vitesse, ou au contraire, qu'il n'a pas conscience d'un danger, ce qui peut vous pousser à le lui signaler. Pour cela, vous vous appuyez, plus ou moins consciemment, sur votre "savoir-faire" en "psychologie de tous les jours".

Imaginez que vous soyez un ergonome de la conduite automobile, travaillant à mieux connaître les mécanismes cognitifs du conducteur, pour proposer des recommandations de sécurité routière ou pour concevoir des systèmes d'assistance "intelligents", qui s’adaptent au conducteur et aux situations. Ces observations et ces interprétations "de tous les jours" ne vous seraient alors plus suffisantes. Vous auriez besoin, d'une part de moyens d'observation plus précis et reproductibles, et d'autre part d'un cadre théorique plus complet pour décrire les mécanismes cognitifs du conducteur que vous déduiriez de vos observations. Comment vous y prendriez-vous, et que découvririez-vous ? Voila notre question de recherche : comment un ergonome peut-il inférer les mécanismes cognitifs d'un conducteur automobile à partir d'une observation instrumentée de son activité de conduite, et quels modèles cognitifs peut-il produire ?

Plus précisément, l'hypothèse de base de notre travail est qu'il est possible, avec les technologies actuelles, de recueillir un enregistrement informatique de l'activité de conduite et de permettre à un ergonome, avec l'aide d'outils informatiques, d'en inférer une description des mécanismes cognitifs du conducteur dans le cadre théorique de la psychologie cognitive. C'est cette hypothèse que nous allons chercher à démontrer.