1.1.2.2. Objet d’étude de l’ergonomie : l'activité d'un opérateur humain

De nombreux auteurs nous rappellent que deux objets d’étude de l’ergonomie doivent être distingués .

Le premier est l'humain en tant que système indépendant. Dans ce cas, l'ergonomie vise à produire des connaissances, telles que l’anthropométrie, la physiologie, les caractéristiques cognitives, qui sont applicables à la conception de systèmes techniques. C’est l’approche souvent reconnue comme dominante aux Etats-Unis sous le terme de « human factors » .

Le second objet d’étude est l’activité en elle-même. Cette approche privilégie le dynamisme de l’activité humaine plutôt que la permanence des caractéristiques physiques et physiologiques. L’activité est analysée comme un processus où interagissent un opérateur et son environnement technique, lui aussi évolutif et influençable. Dans ce cadre, l'ergonomie définit l'opérateur comme un "sujet humain agissant", capable d’initiatives et de réactions. Contrairement à la psychologie, l'ergonomie ne conçoit pas le sujet humain indépendamment de son activité. Comme le souligne Montmollin (p14), dans cette approche, « la dimension temporelle est donc essentielle. Sans elle, l’ergonome ne pourrait prendre en compte ce dont il se délecte aujourd’hui : les stratégies de l’opérateur pour s’adapter et pour adapter, les diagnostics qu’il élabore progressivement et les problèmes qu’il résout, les incidents auxquels il participe et l’historique de leur « récupération » ».

Nous nous plaçons résolument dans la deuxième approche en nous intéressant à l'activité de conduite automobile. Dans ce cadre, nous serons amenés à adopter le terme "d'opérateur", proposé par l'ergonomie pour désigner notre "sujet cognitif" qu'est le conducteur. Nous voulons souligner ainsi que nous ne le considérons pas indépendamment de son activité qu'est la conduite automobile.

Nous adoptons alors ce que Montmollin désignait comme une nouvelle approche de l'ergonomie qui viserait à apporter de nouveaux types de recommandations. Ces recommandations pourront porter sur des situations précises, ou sur des catégories de situations qui auront pu être identifiées et décrites dans leur dimension contextuelle. De part notre intérêt pour l’action, nous pouvons alors adopter une approche plus cognitive qui s'intéresse à la façon dont l’opérateur donne sens aux situations et aux éléments qui les constituent. Pour cette nouvelle ambition, Montmollin soulignait que l’ergonomie devait forger des outils qui permettraient, « plus localement, plus singulièrement, et donc plus lentement et plus coûteusement, d’analyser les processus d’interaction entre les opérateurs et les « machines », afin de modifier ces processus mêmes, en agissant aussi bien sur les compétences des opérateurs, sur l’organisation du travail, ou sur les caractéristiques des machines. »