1.2.2.2. Les étapes classiques de l’épistémologie génétique de Piaget

Dans le champ des sciences humaines, Piaget a pris en compte ce caractère récursif de la connaissance par ce qu’il a appelé une "épistémologie génétique". Il résout cette circularité par une conception évolutionniste. Piaget propose ainsi une théorie constructiviste de la genèse de l'intelligence et des connaissances humaines.

Selon Piaget, le point de départ de toute connaissance est "l’expérience vécue". Le Moigne dans sa présentation des épistémologies constructivistes cite Piaget « l'intelligence (et donc l'action de connaître) ne débute ainsi ni par la connaissance du moi, ni par celle des choses comme telles, mais par celle de leur interaction ; c'est en s'orientant simultanément vers les deux pôles de cette interaction qu'elle organise le monde en s'organisant elle-même. » (p311).

Piaget part d’une hypothèse phénoménologique dans laquelle l’intentionnalité du sujet connaissant est centrale. Grâce à l’interaction répétée du sujet avec son environnement, se développent des unités élémentaires de l’activité intellectuelle, qu'il appelle schèmes. Un schème est une entité abstraite qui est l’organisation de l’interaction du sujet avec son environnement. Ces schèmes s'ancrent dans l'esprit, lorsque l'expérience les conforte ou se modifient lorsqu'ils sont contredits par les faits. Ils se structurent ainsi de manière évolutionniste dans une organisation de type moyen-but. Piaget résout ainsi le problème de la circularité de la connaissance par la conservation évolutionniste des schèmes qui répondent à l’intentionnalité du sujet, au cours de son développement ontogénétique.

Si Piaget a surtout présenté son approche sous forme d’une théorie développementale de l’enfant, on peut soutenir, avec Vermersch , qu’elle peut s’appliquer à toute construction de nouvelle connaissance chez l’adulte.

Figure 3 : Etapes de la construction de connaissance à partir de l’expérience vécue selon Piaget, d’après Vermersch 1994.

La Figure 3 montre les étapes de la construction de connaissance selon Piaget d’après Vermersch . En partant d’une activité vécue par le sujet sur la base de ses connaissances courantes qui lui permettent d’interagir avec son environnement (étape 1), celui-ci peut construire et sélectionner de nouveaux schèmes d’interaction qui deviendront porteurs de sens dans le contexte de cette nouvelle activité (étape 2). Ces schèmes pourront être verbalisés et confrontés aux catégories proposées par la communauté humaine pratiquant cette activité (étape 3). La connaissance ainsi abstraite pourra faire l’objet d’une analyse réflexive par le sujet qui pourra prendre cette activité comme un nouvel objet de connaissance (étape 4).