1.2.4.1. L’épistémologie évolutionniste comme sélection d’explications résistantes à la réfutation

« La connaissance précède l'observation. Tout animal naît avec des attentes ou anticipations qu'on pourrait reconstruire sous la forme d'hypothèses. En ce sens nous disposons d'un certain degré de connaissance innée. Elles seront, si elles sont désavouées, nos premiers problèmes. » , p389. En affirmant que la connaissance est issue de l’observation, mais que l’observation est elle-même précédée de la connaissance, Popper pose dans cet ouvrage les bases d’une théorie évolutionniste de la connaissance. Etant issue de l’observation, la connaissance ne peut jamais être acquise comme vraie en un sens absolu. D’une part, toute observation est toujours biaisée par une connaissance antérieure. D’autre part, rien ne permet d’affirmer qu'aucun contre-exemple ne viendra jamais réfuter cette connaissance. Dès lors, propose Popper, toute connaissance ne peut, au mieux, qu’être retenue comme acceptable aussi longtemps qu’elle n’a pas été réfutée. Selon lui, cette forme de "sélection naturelle" des connaissances par leur réfutation est la seule possibilité de progression de la science. Lorsqu’une connaissance est rejetée par réfutation, elle appelle la conception d’une nouvelle connaissance plus englobante. C’est ainsi qu’il cite le physicien John Wheeler : « Tout notre problème est de commettre les erreurs le plus vite possible » .

Cette approche de la connaissance scientifique a été depuis amplement critiquée, notamment par les sciences humaines, pour lesquelles un critère de réfutabilité apparaît souvent difficile à mettre en place. De plus, elle n’accorde pas de place à l’induction, sans laquelle aucune démarche scientifique n’apparaît possible.

Malgré cela, le critère de résistance à la réfutabilité nous semble pertinent dans le cadre de notre approche d’ingénierie des connaissances. Il s'agit en effet de sélectionner les meilleurs éléments explicatifs élémentaires, ou micro-hypothèses, parmi une grande quantité de candidats créés pour expliquer le recueil d’observations. Ainsi, l’outil d’ingénierie des connaissances devra permettre à l'ergonome d'accélérer la boucle de production/réfutation, répondant ainsi concrètement au problème de John Wheeler.