1.2.5.3. Une approche pragmatique de la subjectivité de l'opérateur

Les cadres conceptuels dans lesquels peut s’inscrire l’ergonome cognitiviste pour expliquer l’activité sont multiples. En ce qui concerne notre travail, nous nous rattachons au champ théorique de la psychologie cognitive, qui vise à comprendre l’activité par rapport aux processus et états mentaux de l'opérateur.

Expliquer le comportement d'autrui par ses états et processus subjectifs est quelque chose que chacun de nous fait quotidiennement. Nous avons appris à inférer intuitivement cette subjectivité d'autrui à partir d’une observation contextualisée de ses comportements.

Cette position, qui consiste à attribuer à autrui une subjectivité, est un thème récurent de la philosophie. Par exemple, Chalmers propose un exercice de pensée qui consiste à imaginer un être, qu’il nomme un « zombie philosophique », qui aurait des comportements totalement humains mais serait dépourvu de toute vie subjective. Il montre que, du point de vue d’un observateur extérieur, la meilleure façon d’expliquer ses comportements reviendrait à lui attribuer une vie subjective. Cette position rejoint celle que Dennett  nomme « The intentional stance ».

L’hypothèse ontologique fondatrice de la psychologie cognitive est que ce vécu subjectif constitue une réalité qui peut être appréhendée scientifiquement. Même s’il y a d’autres arguments pour gratifier autrui d’une vie subjective, tels que des arguments éthiques ou affectifs, il reste que l’argument pragmatique rencontre bien notre recherche d’explication de l’activité humaine. Les explications doivent rester compatibles avec ce qu’on sait par ailleurs de la cognition humaine, et avec les données d’explication issues de l'opérateur. Ces données issues de l'opérateur doivent provenir de ses explicitations confrontées à une analyse critique de la part de l’ergonome.