2.2.5. Les apports de la théorie des Schémas

Selon Richard, Bonnet & Ghiglione  : « les schémas sont à la fois une façon de représenter l'organisation des connaissances en mémoire et une façon d'exprimer comment ces connaissances sont utilisées pour comprendre, mémoriser, faire des inférences. » Cette théorie illustre comment la psychologie cognitive a tenté d'appréhender la double dimension des connaissances d'un sujet humain : leur dimension opérationnelle de "savoir-faire" et leur dimension symbolique pour ce sujet. A notre sens, ce rapport entre la valeur symbolique d'une représentation et le savoir-faire qui permet son utilisation trouve ses fondements dans les épistémologies constructivistes, notamment exprimées par Piaget avec la notion de schème comme organisation "moyen-but" dont nous avons parlé au paragraphe 1.2.2.2.

La théorie des schémas a été introduite par Bartlett . Son interprétation de la mémoire supposait que nous agissions sur le monde, que nous le reconnaissions à partir de structures déjà existantes : les schémas. Pour Bartlett, un schéma est une structure organisée qui intègre les connaissances et les attentes d’un individu pour un aspect du monde. Le schéma résume ce que le sujet connaît du monde. Le schéma a donc pour effet principal d’aider à la compréhension. Bartlett le définit « comme une organisation active de réactions passées ou d’expériences passées, que l’on doit toujours supposer à l’œuvre dans toute réponse organique bien adaptée. » Inversement, la construction d'un schéma est vue comme l'élaboration de connaissances générales bien structurées à partir de situations particulières. En ce sens, les schémas proviendraient de savoirs procéduraux pour parvenir à des savoirs déclaratifs sur les situations. Les schémas sont donc issus de l'expérience par une forme d'abstraction ou de modélisation. C'est une fois qu’une structure de connaissance « décontextualisée » a été construite, que les sujets peuvent l’appliquer aux situations appartenant à la catégorie dont elle relève en vue de les résoudre.

Dans les années 1970, trois auteurs ont eu recours à l'informatique pour expliciter davantage ces mécanismes. Minsky introduit la notion de frame (cadre), Schank & Abelson la notion de script et Rumelhart élargit la notion de schéma à la mémorisation des histoires.

Ces auteurs utilisent des structures de données informatiques pour coder des séquences d'actions et d'événements qui représentent les schémas. Les schémas, en tant que connaissances génériques, sont représentés par des structures de données qui peuvent contenir des variables. Les valeurs particulières de ces variables permettent de décrire les spécificités des situations dans lesquelles ces schémas sont rencontrés. Ainsi les schémas correspondent à des modèles d'activité. Les concepts qui interviennent dans les schémas sont reliés par leur usage pratique et non pas par leur proximité sémantique. Plus précisément, Schank parle de "scripts" qui représentent des séquences d'actions et d'événements qui sont organisés en différents niveaux de description. Il a étudié comment ces scripts pouvaient s'organiser en paquets qu'il nomme MOP (Memory Organization Packets). Il a également étudié comment faire du "raisonnement à partir de cas" sur cette base. Le raisonnement à partir de cas consiste à résoudre des problèmes en appliquant des solutions déjà utilisées dans des cas similaires. Face à une nouvelle situation, un schéma générique correspondant à cette situation était instancié, ces variables sont adaptées à la situation particulière, pour générer une réponse adaptée.