2.2.6. Les apports de la théorie de la conscience de la situation

Depuis 1988, R. Mika Endsley a proposé un modèle de la "conscience de la situation" (CS) qui fait aujourd'hui référence. Le terme conscience est pris ici dans son sens de "awareness", pour désigner tout ce dont l'opérateur est "averti" pour contrôler son activité dans une situation donnée. Si on le prend dans un esprit d'ouverture, il nous semble que ce modèle résume assez bien les propositions de la psychologie cognitive pour situer les phénomènes de "prise de conscience" d'un opérateur dans une situation dynamique. Ce modèle se centre sur le cycle perception, cognition, action, classique, et il situe par rapport à ce cycle les différents modèles structuraux et fonctionnels développés par la psychologie cognitive. Endsley définit la CS comme : “The perception of the elements in the environment within a volume of time and space, the comprehension of their meaning, and the projection of their status in the near future.”

Ce modèle positionne en premier lieu la conscience de la situation par rapport à la prise de décision, selon le principe de bon sens qu'une bonne conscience de la situation augmentera les chances de prendre une bonne décision. Cependant, il ne suffit pas de savoir ce qui se passe au présent mais il faut également être en mesure d'anticiper sur les possibles évolutions futures. Cette idée générale est représentée par la Figure 10.

La CS est placée au sein d'une boucle CS - Décision - Action - CS, qui, en se déployant réalise une activité dynamique conditionnée par les caractéristiques de la tâche et de l'environnement ainsi que par les caractéristiques du sujet. La CS inclut trois niveaux : le niveau : perception, le niveau 2 : compréhension, le niveau 3 : projection. La CS, autant que la décision, sont dépendantes des buts et attentes du sujet. Les caractéristiques du sujet qui influencent l'activité en général, et la CS en particulier, sont identifiées comme étant ses mécanismes cognitifs, ses connaissances, ses automatismes, eux-mêmes dépendants de l'expérience et de l'entraînement du sujet ainsi que de ses habiletés naturelles.

La Figure 11 décrit le rôle des structures cognitives dans l'élaboration de la CS. Elle se réfère au modèle de mémoire de Cowan , présenté au paragraphe 2.2.3, dans lequel la mémoire de travail correspond à la partie activée de la mémoire à long terme. Ce niveau d'activation peut être variable, les éléments les plus activés correspondent à ceux qui sont dans le focus de l'attention. Le registre sensoriel est le siège d'un traitement pré-attentif des informations sensorielles. Ces traitements sont faits en parallèles aux autres traitements cognitifs et ne nécessitent pas d'attention. Ils fournissent des aspects de perception sur lesquels l'attention pourra se focaliser. L'attention est représentée comme un réservoir pour illustrer le fait qu'il s'agit d'une ressource limitée qui doit être répartie entre la perception, la compréhension, la prise de décision et le contrôle des actions. Endsley la décrit comme une des limites majeures de l'élaboration de la conscience de la situation, mais elle peut être compensée par l'activation de schémas permettant des traitements automatiques. La perception est dirigée par le contenu de la mémoire de travail et de la mémoire à long terme. L'attente d'une information influence la rapidité de perception de celle-ci. Elle se réfère à la conception de la perception de Bruner selon laquelle la classification de la perception est fonction des connaissances préalables.

D'autres travaux ont apporté leur contribution au concept de CS : Sawaragi & Murasawa proposent une modélisation dynamique de la CS sous forme de succession d'états mentaux. En informatique : Kokar, Matheus & Baclawski proposent une "Situation Theory Ontology", ou « STO ». Certains travaux d'orientation psychologique portent spécifiquement sur la conscience de la situation du conducteur automobile .