2.2.7. Les niveaux de contrôle de l'activité

Les notions de schéma et de conscience de la situation que nous venons de présenter renvoient à une imbrication des niveaux de contrôle de l'activité. En effet ces notions permettent de décrire l'activité comme une mise en œuvre de différents schémas de contrôle à différents niveaux de conscience. Ces différents schémas peuvent être activés et suivis de manière plus ou moins automatique, et quand un schéma est pris en défaut, apparaît alors un effet de surprise, d'inattendu, qui appelle l'attention de l'opérateur. Cette focalisation de l'attention est liée, du point de vue de l'opérateur, à une prise de conscience de certains aspects de l'activité. Cette prise de conscience entraîne en retour la mise en œuvre d'autres schémas de contrôle eux-mêmes plus ou moins volontaires. Cette double interaction entre les niveaux automatiques et les niveaux conscients est qualifiée dans la littérature d'ascendante ("bottom-up") et de descendante ("top-down") . L'ascendant correspond à l'effet de l'activité sur la prise de conscience et le descendant correspond à l'effet de la conscience sur l'activité.

Plusieurs classifications de ces niveaux de contrôle ont été proposées. Une distinction classique est la distinction implicite/explicite. Norman & Shallice distinguent trois niveaux : viscéral-réactionnel, comportemental-routinier, et réflexif. La classification la plus célèbre est sans doute celle de Rasmussen  : la distinction habileté/règle/connaissance ("skill/ rule/ knowledge"). Le niveau habileté correspond à la mise en œuvre automatique de schémas essentiellement sensorimoteurs, ou d'habiletés cognitives automatisées telles qu'une opération de calcul mental. Les schémas de ce niveau sont préalablement appris par la pratique et permettent des réactions rapides, en revanche leur déroulement interne est difficilement contrôlable et explicitable par l'opérateur.

Le niveau règle regroupe la mise en œuvre de règles élémentaires, heuristiques, plus ou moins intuitives. Du point de vue de l'opérateur, les schémas de ce niveau correspondent à des perceptions et des manipulations de signes, qui peuvent être relativement facilement explicitées.

Le niveau connaissance correspond au niveau qui est perçu par l'opérateur comme celui des choix raisonnés. Il se base sur une manipulation rationnelle de symboles, dont l'opérateur peut fournir aisément une explicitation. Ce niveau est contrôlé par la volonté de l'opérateur, il est soumis au "goulet d'étranglement" de l'attention. Il permet de gérer de manière consciente des activités qui n'ont pas encore été automatisées.

Schneider & Shiffrin se sont intéressés à comparer les niveaux automatiques et contrôlés. Ils ont montré qu'une même tâche était réalisée plus rapidement de manière automatique que contrôlée, et qu'elle était moins perturbée par la présence d'une double tâche en parallèle. Cela les conduit a affirmer que les processus automatiques sont moins consommateurs de ressources attentionnelles que les processus contrôlés.

Il ressort de ces modèles que l'ergonome pourra inférer des "prises de conscience" de la part de l'opérateur s'il observe des ruptures dans des schémas préalablement connus. Inversement, s'il observe un contrôle fluide de l'activité conforme à des schémas connus, il pourra inférer que les ressources attentionnelles de l'opérateur ne sont pas excessivement sollicitées. Par ailleurs ces prises de conscience et ces choix conscients sont accompagnés d'un ressenti émotionnel dont le rôle dans le contrôle de l'activité est de plus en plus reconnu .