3.2. Méthodologies d’observation de l’activité

Comme nous l'avons dit, l'activité de conduite automobile est une activité complexe, au sens de non réductible a priori à un petit nombre de paramètres. Son observation se traduit donc par le recueil de grandes quantités de données, qui doivent pourtant rester compatibles avec les moyens de stockage et de traitement dont dispose l'ergonome. En pratique, les méthodologies d'observation se trouvent matérialisées sous la forme des outils d'observation qui sont construits dans les laboratoires d'ergonomie. Pour la conduite automobile, il s'agit des véhicules instrumentés et des simulateurs de conduite. En effet, l'activité peut être observée soit en situation réelle, soit en situation simulée. C'est particulièrement vrai dans le cas de la conduite automobile avec le développement de simulateurs de plus en plus performants. Mais il est à noter que la réalité simulée est déjà une réalité modélisée. Non seulement l'environnement routier qui est présenté à l'écran du simulateur constitue en soit une hypothèse sur ce qui est pertinent pour la conduite, mais le déroulement même des scénarios de conduite qui sont reproduits correspondent également à des situations modélisées.

Notre but étant de construire des nouveaux modèles de l'activité, nous devons logiquement partir de l'activité en situation réelle plutôt que de l'activité dans des situations déjà modélisées. Cela nous permet d'appréhender la variabilité des situations réelles. Nous avons donc fait ce choix de l'observation en situation réelle, sur route ouverte.

D'un point de vue général, nous avons vu que les actions du sujet ne peuvent être comprises que par rapport au contexte dans lequel il les réalise. L'ergonome doit donc observer l'activité dans son ensemble, c'est-à-dire au niveau du conducteur, au niveau du véhicule, et au niveau de l'environnement routier. Cette distinction est d'ailleurs déjà arbitraire. Par exemple, la valeur du capteur angulaire du volant indique au sens strict un état du véhicule, mais est couramment considérée par les ergonomes comme l'action du conducteur de tourner le volant. Au départ, c'est bien le couplage entre le sujet et son environnement qui est au centre de l'observation.

On distingue classiquement les observations réalisées directement par l'ergonome des observations réalisées par des "capteurs" artificiels. Pour clarifier les choses, nous préférons réserver le terme "observation" à l'action de l'ergonome qui inclut à la fois la perception et une forme d'interprétation et d'attribution de sens. Dans le cas des capteurs, nous préférons utiliser les termes de traçage de l'activité, c'est-à-dire un dispositif permettant d'inscrire une trace de l'activité sur un support. Cette trace pouvant ensuite être observée et interprétée par l'ergonome. Bien entendu, les capteurs ne donnent aucun sens par eux-mêmes à cette trace. En revanche la connaissance de leur fonctionnement est nécessaire à l'ergonome pour comprendre la trace.

Evidemment, la possibilité de conserver des traces de l'activité grâce à l'instrumentation d'un véhicule décuple les possibilités d'analyser l'activité. Par contre, cela reporte le problème de la complexité de l'activité sur les données recueillies. La complexité de l'activité entraîne la complexité des données par laquelle l'ergonome peut rapidement être submergé.