3.3. Explicitation de l’activité par l'opérateur

Si l'activité est liée à la subjectivité de l'opérateur qui la réalise, alors pour la comprendre il est tout naturel d'interroger cet opérateur. Cette démarche est dans la plupart des cas indispensable en ergonomie. Guérin, Daniellou et al.  rappellent que si l’observation peut être considérée comme le moyen le plus irréfutable pour accéder à une connaissance de l’activité réelle, elle s’avère souvent insuffisante pour comprendre les motifs de cette activité, les raisonnements et les connaissances qui la sous-tendent. Mais toute la difficulté est de connaître la validité des indications fournies par l'opérateur. Il n'est pas suffisant qu'un ergonome particulier acquière une certaine compréhension de l'activité d'un sujet particulier en dialoguant avec lui. Cette compréhension risque d'être biaisée par la propre subjectivité de l'ergonome. En effet, premièrement, il est nécessaire que l'ergonome puisse connaître le champ de validité de cette compréhension pour différents sujets et différentes situations. Deuxièmement, il doit pouvoir faire reconnaître sa théorie explicative au sein d'une communauté, la confronter aux théories existantes, et soumettre cette théorie à des tests de réfutation. Pour cela, l'explicitation doit produire des données dont l'interprétation puisse être questionnée et débattue. Ces données correspondent à ce que nous nommons des traces si elles sont de natures séquentielles et peuvent être rattachés à des instants particuliers de l'activité.

La production de ces données couvre une large gamme de pratiques qui vont du questionnaire précisément spécifié au dialogue ouvert. A l'extrême, l'explicitation pourrait être vue comme une analyse de l'activité réalisée par l'opérateur lui-même, seul ou orientée par l'ergonome. En effet, comme le pose Vermersch  : « l'action est pour une bonne part opaque à celui-là même qui la met en œuvre de façon adaptée. » L'explicitation de l'activité est donc un processus cognitif qui soulève toutes les difficultés épistémologiques que nous avons abordées au chapitre 1. Nous discuterons de la possibilité d'utiliser notre approche pour faciliter l'explicitation de l'activité par l'opérateur lui-même dans la partie .

Dans ce paragraphe, nous présentons plutôt la façon dont des données fournies par le sujet pour décrire son vécu subjectif peuvent être recueillies et utilisées comme données d'entrée dans l'analyse de l'activité. Il s'agit donc de données qui décrivent un vécu subjectif facilement accessible à l'opérateur, selon une modalité sur laquelle il peut se mettre facilement d'accord avec l'ergonome. L'ergonome expérimentateur demande à l'opérateur de noter λ quand son vécu subjectif correspond à Λ. Au moment de l'analyse, l'ergonome analyste comprendra que le vécu subjectif de l'opérateur correspondait à Λ quand il verra noté λ. Plus les règles d'explicitation seront spécifiées de manières précises et partagées entre l'opérateur, l'ergonome, et la communauté de l'ergonomie, plus leur interprétation sera solide.

On peut distinguer différentes techniques permettant de recueillir ces données : la verbalisation pendant l'activité, l'entretien d'explicitation, le questionnaire rempli par le sujet, l'auto-confrontation.