4.2. L'exploitation des traces d’interaction : Etat de l’art

4.2.1. Introduction

L'exploitation des traces d'interaction s'est beaucoup développée ces dernières années dans le domaine de l'interaction homme / ordinateur, et en particulier pour la navigation sur Internet. Cette exploitation prend principalement deux orientations. La première vise à analyser après coup le comportement des utilisateurs et l'utilisabilité des systèmes. La seconde vise à faciliter directement l’activité de l'utilisateur, en lui mettant ses traces à disposition, en temps réel. Dans ce cas deuxième cas, les traces affichées peuvent être des traces privées propres à l'utilisateur, mais également des traces partagées par une communauté d'utilisateurs, ce qui ouvre d'immenses possibilités en termes de coopération ou de "tutoring".

La plupart des hébergeurs de sites web proposent à leurs clients des outils d'analyse de l'activité des visiteurs. De nombreux sites gratuits d'hébergement de blog le proposent également. D'autre part les outils de navigation internet tels que Firefox proposent plusieurs possibilités d'extension pour le traçage, privé ou collaboratif, de la navigation internet (Fleck, Jeteye, JumpKnowledge Webpage Annotator). A titre emblématique, Google s'est lancé dans ce domaine en proposant ses propres outils : Google Analytics (Figure 38) et Google Web History (Figure 39). Ces applications, encore en version d'évaluation, nous incitent à penser que l'exploitation des traces d'interaction prendra un développement décisif dans les années à venir, pour peu que les questions liées à la confidentialité des données recueillies trouvent des réponses adaptées.

Figure 38 : Visualisation de schéma de navigation sous Google Analytics

Google analytics permet au webmaster d'analyser les traces de navigation des visiteurs de son site. Le webmaster peut définir des "parcours typiques" nommés Funnel (entonnoirs) qui sont une succession de pages ou groupes de pages. Il peut visualiser de manières synthétique les entrées et sorties des visiteurs sur ces parcours typiques. Ce traçage se fait grâce à un code que le webmaster insère dans chacune des pages de son site. Ce code transmet ensuite l'information à Google chaque fois qu'un visiteur consulte la page.

Figure 39 : Visualisation des traces de navigation sous Google Web History

Google Web History permet aux utilisateurs d'internet de consulter leur historique de navigation. Il s'agit non seulement des recherches effectuées sur google mais également de la navigation sur des sites tiers. La trace est collectée avec l'accord de l'utilisateur si celui-ci installe l'extension appropriée dans son navigateur. L'utilisateur peut parcourir sa trace, lui appliquer des recherches, pointer les items intéressants par une étoile, supprimer des items, suspendre le traçage.

Ces deux approches, analyse et réflexivité, ont fait l'objet de nombreux travaux scientifiques. Wexelblat les résume en comparant les traces informatiques aux traces d'usure laissées dans notre environnement courant qui peuvent ensuite nous guider. Il souligne que ces traces, en donnant des indications sur l'usage qui a été fait des choses, ne font pas que modifier ces choses mais modifient également la perception qu'on en a. Comme nous, il souligne l'importance de dissocier deux rôles : le rôle d'acteur au moment où la trace est enregistrée et le rôle d'observateur au moment où la trace est exploitée. Ces deux rôles peuvent être tenus, ou non, par la même personne, mais toujours à des moments différents, et prennent place dans le même "contexte culturel". Sans cette communauté de contexte, l'exploitation des traces ne serait pas forcément possible.

Au Liris, des travaux ont été menés sur l'usage réflexif des traces. Ollanier-Beldame a étudié l'usage des traces en situation d'apprentissage collaboratif médié par des outils informatiques. Elle a montré, d'une part, que l'affichage des traces permettait une meilleure appropriation de l'outil par l'utilisateur, et d'autre part, qu'il permettait une prise de conscience par l'utilisateur de sa propre activité et favorisait ainsi l'apprentissage assisté par ordinateur. Cette prise de conscience permet à l'utilisateur d'expliciter son activité.

L'exploitation réflexive des traces d'activité de conduite automobile par le conducteur lui-même n'est pas notre sujet d'étude. Nous nous contenterons de discuter cette possibilité dans la partie discussion de cette thèse. Notre travail se focalise sur l'exploitation des traces d'interaction dans un but d'analyse.