6.2.3. Conclusion

Nous avons présenté notre processus de modélisation des traces avec Abstract pour atteindre un niveau de description qui puisse nous servir de base pour la modélisation cognitive. Ce processus peut être décomposé en trois niveaux d'abstraction :

• Le niveau 0 est constitué des données brutes pré-traitées. C'est le niveau d'entrée du système de collecte.
• Le niveau 1 est constitué de la trace collectée. C'est à la fois le niveau de sortie du système de collecte et le niveau d'entrée du système à base de traces.
• Le niveau 2 est constitué de la modélisation de base de la trace que nous venons de présenter.

Ce niveau 2 correspond à un niveau d'abstraction de l'ordre de celui que les conducteurs eux-mêmes utilisent pour décrire leur propre activité. C'est-à-dire que ce processus nous permet, en tant qu'ergonome, d'expliciter l'activité que nous observons, d'une façon qui rejoint la façon dont elle peut être explicitée par le conducteur lui-même, à travers ses propres concepts et son propre vécu de la situation.

Pour cela, nous définissons, avec Abstract, des symboles qui sont d'une part compréhensibles par toute personne capable de comprendre l'activité de conduite, et d'autre part qui sont calculables de manière automatique à partir des données collectées. Nous les définissons en fonction de nos intentions de modélisation et en fonction des possibilités que nous avons de les calculer. Nous effectuons un rapprochement entre notre idée de l'activité de conduite, la réalité de l'activité observée et ce que peut nous dire le conducteur à propos de son activité. Les significations des symboles ainsi produits se situent donc dans un intermédiaire entre ces deux contraintes. D'un côté, elles ne correspondent pas exactement aux significations que portent leurs libellés dans le langage courant. De l'autre coté, elles ne constituent pas une description neutre de l'activité qui serait dégagée de toute interprétation de notre part. Malgré cela, ces symboles ont une valeur pragmatique : ils nous aident réellement à comprendre l'activité à travers les données recueillies. Il y a convergence entre un langage issu des données et un langage issu de l'opérateur et de l'ergonome, mais ce langage peut produire des discours différents. Il permet justement de confronter les discours produits par l'ergonome ou par l'opérateur, aux discours produits par les faits observés, afin de les faire converger.

En facilitant cette confrontation, Abstract offre un support pour notre projet de modélisation cognitive du conducteur. C'est ce que nous nous proposons de montrer dans les exemples présentés au paragraphe suivant. Ces exemples visent à inférer des connaissances à propos des schémas cognitifs mis en œuvre par le conducteur. Ces inférences constituent un troisième niveau d'abstraction et d'analyse.